Réalisateur ayant jusqu’ici œuvré dans le registre de la comédie plus ou moins drôle (« Mais qui a tué Pamela Rose », « Prête moi ta main »), Eric Lartigau s’attaque cette fois au genre du drame psychologique, avec quelques bribes de thriller, pour cette adaptation d’un best seller de Douglas Kennedy. Pas vraiment gâté par le sujet de départ – en gros une crise existentialiste version psychologie de mag’ féminin – et alourdi par une mise en scène sur-signifiante, cet « Homme qui voulait vivre sa vie » est tout juste sauvé par son interprète principal.
Une histoire en trois temps bien délimités. Romain Duris commence d’abord comme jeune avocat d’affaire prêt à reprendre les rennes de son cabinet. Propriétaire d’une grande maison de banlieue cossue, ce père de deux enfants est trop occupé à remettre sur le droit chemin de jeunes héritiers voulant vivre leur passion – attention : indice pour la suite – pour remarquer que sa femme wannabe écrivaine (Marina Foïs qui tente aussi de vivre sa vie au cas où le thème du film t’aurait à nouveau échappé) le trompe avec un photographe baroudeur comme il faut. Arrive ensuite le temps du thriller avec son homicide involontaire camouflé comme un vrai pro et lui permettant de s’enfuir avec une nouvelle identité : celle d’un photographe débarqué au Montenegro et travaillant en argentique parce que c’est quand même plus arty. La question de l’argent ayant été évacué en deux scènes par le scénario – facile – il peut mettre en pratique son talent caché dès le premier jour de sa nouvelle vie, en photographiant des pécheurs et ouvriers aux traits burrinés par le labeur. Le grand frisson artistique de la contemplation du prolétariat pour des « clichés » qui peuvent ici faire sourire. Une maîtrise de son art d’ailleurs quand même un peu rapide, cela même avec notre crédulité suspendue au maximum…
Une fois l’intrigue sortie de Paris, on sent Eric Lartigau quelque peu en difficulté pour mettre en image son sujet et insuffler un brin de personnalité à son film, se repliant sur une mise en scène parfois très premier degré des élans animant son personnage principal. Quelques amorces de séquences figent ainsi les paysages du Montenegro comme de basiques et jolies cartes postales. Une manière d’annoncer un peu lourdement au spectateur les raisons du déclic artistique de Romain Duris. Au rayon des idées (ou facilités) de mise en scène gênantes, les bouleversements intérieurs et dilemmes moraux du personnage principal donnent lieu à quelques scènes de shacking de caméra symptomatiques du manque d’inspiration général. Au détour de certains plans, le réalisateur tente aussi de marcher sur les pas de Jacques Audiard. Une impression qui trouve un écho quand débarque à mi-film Niels Arestrup, figure clé de « Un Prophète », ici faux clochard céleste et vrai pygmalion, autre grosse ficelle pour faire avancer l’intrigue.
Le sujet du film, tant au niveau du scénario que de la mise en scène, est donc trop lourdement mis en œuvre pour accrocher sur la partie thriller comme sur celle du drame psychologique. Romain Duris arrive heureusement à composer un personnage ambiguë, oscillant en permanence entre le touchant et le pathétique. Cela reste trop peu et le dernier rebondissement, sorti de nulle part, fini de donner un dernier arrière goût d’inconsistance à l’ensemble.
Par Alex B