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[Critique] Mo(r)tel ( Nimrod Antal, 2007 )

En panne de voiture, un couple en instance de divorce est obligé de passer la nuit dans un hôtel miteux et éloigné de tout. Ils découvrent par hasard des cassettes vidéo mettant en scène une série de meurtres commis dans la chambre qu’ils occupent. Terrifié, le couple va tout tenter pour s’enfuir de cet hôtel de cauchemar. D’étranges tueurs masqués vont alors les prendre en chasse, bien décidés à faire d’eux les prochaines stars de leur snuff movie…

A partir d’un pitch peu original faisant inévitablement penser à Psychose d’Alfred Hitchcock, Nimrod Antal (Kontroll, Predators) nous livre ici un petit film bourré de bonnes idées et magistralement interprété par ses deux acteurs principaux : Kate Beckinsale (la saga Underworld) et Luke Wilson (3h10 Pour Yuma, Panique Aux Funérailles). Il semblait pourtant difficile de passer après le maître incontesté du suspense, pourtant, Nimrod Antal s’en sort plus que bien et renouvelle même le genre grâce à un style très personnel et une réalisation soignée ; preuve que le réalisateur a plus d’un tour dans son sac.

Loin de n’être qu’un simple plagiat de Psychose (ce que bon nombre de spectateurs lui ont reproché), Mo(r)tel s’apparente davantage à un hommage en bonne et due forme à ce bon vieux grincheux d’Hitchcock. En effet, le générique présente d’emblée le film comme tel, la police et la musique qui le composent étant produits selon les règles de l’art de la tradition Hitchcockienne. De même, l’histoire du film se déroule au cœur d’un hôtel lugubre dont le gérant est un parfait psychopathe ayant certes bien moins de classe que feu Anthony Perkins, mais le même grain de folie meurtrière. Mis à part ces quelques similitudes, Mo(r)tel n’a en réalité rien à voir avec l’œuvre dont il tire son inspiration. L’introduction du concept somme toute encore assez tabou de snuff movie lui confère une singularité propre qui l’éloigne définitivement de la pièce maîtresse d’Hitchcock.

De plus, Mo(r)tel bénéficie d’une véritable profondeur scénaristique qui le différencie agréablement de la pléiade de films de genre creux et insipides dont on pourrait, à première vue, le rapprocher. Il n’en est rien. Les dialogues à bâtons rompus du couple en crise Amy et David Fox sont énergiques et réalistes, le personnage de Luke Wilson faisant par ailleurs preuve d’un humour grinçant qui témoigne d’une recherche scénaristique pointilleuse et efficace. La personnalité des protagonistes n’est quant à elle ni transparente ni au contraire trop alambiquée mais juste ce qu’il faut pour nous permettre d’y croire sans efforts. Kate Beckinsale est absolument irritante en mégère aigrie depuis la mort de son fils et Luke Wilson plus que parfait dans son rôle de futur ex-mari fragile qui s’en prend plein la gueule. L’alchimie qui se dégage de la relation entre ces deux êtres antithétiques confère au film un véritable dynamisme, de même qu’un sentiment identificatoire authentique indispensable pour mener à bien l’entreprise d’un telle œuvre.

Dès la séquence d’introduction, la narration instaure un malaise tangible par le biais des tensions préexistantes au sein de ce couple en chute libre qui ne cessera par la suite de monter crescendo. Lentement mais sûrement, Mo(r)tel resserre son étau au gré des éléments perturbateurs qui se montreront progressivement de plus en plus fréquents et redoutables. La violence déterminée dont font preuve les bourreaux de nos deux héros pris au piège distille une angoisse quasi-claustrophobique qui peut faire penser à certains films de séquestration. Dès lors, Amy et David vont redoubler d’ingéniosité pour s’échapper de ce qui pourrait bien s’avérer être leur tombeau au fil de tentatives souvent infructueuses mais qui auront néanmoins le mérite d’être cohérentes et mûrement réfléchies. Car c’est cela le point fort de Mo(r)tel, les personnages n’agissent pas stupidement mais communiquent, font preuve de bon sens et de logique, ce qui permet l’identification du spectateur là où de nombreux films ont échoué du fait de comportements invraisemblables de leurs personnages. L’empathie étant bel et bien présente, les mécanismes de suspense mis en place par Nimrod Antal peuvent faire leur travail et produire l’effet escompté sans fausse note.

Le travail effectué sur l’esthétique du film corrobore également cette sensation d’enfermement et de menace omniprésente sur lequel se base l’intégralité du récit. Par l’intermédiaire d’un jeu subtil sur les reflets (dans les vitres des fenêtres notamment) et sur les ombres, Mo(r)tel n’a de cesse de nous convaincre que le danger peut surgir de n’importe où et de mettre en avant la vulnérabilité de ses personnages principaux. Acculés dans leur chambre crasseuse comme des rats de laboratoire dans leur cage, Amy et David sont littéralement floués par la spatialité, propice à toutes les intrusions du fait de ses nombreuses ouvertures sur un extérieur hostile synonyme de perdition. Ainsi, le suspense consiste à deviner par quel moyen les héros vont pouvoir se sortir de ce traquenard  tout en essayant d’anticiper le moment où l’épée de Damoclès qui pèse au-dessus de leurs têtes s’abattra sur eux sans prévenir.

Mo(r)tel peut donc être considéré comme un hommage réussi à Psychose, mais pas seulement ; l’étiqueter de la sorte serait bien réducteur… En effet, il s’agit avant tout d’une petite œuvre sincère et sans grande prétention qui réussit pourtant le pari de nous embarquer dans un semi-huis-clos oppressant à la mise en scène adroitement mise en adéquation avec son intrigue très prenante car impeccablement scénarisée.
Un bon petit film de genre en somme, à voir ou à revoir avec la nostalgie des films noirs d’antan…

Par Emmanuelle Ignacchiti

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