En mettant en scène 24 heures d’une secte recluse au milieu d’une jungle non-identifiée, Ti West livre avec The Sacrament une petite claque dont la noirceur et la brutalité parviennent à accrocher durablement l’esprit.
Présenté comme un documentaire produit par Vice Media et fortement inspiré par le suicide collectif de la secte Jonestown en 1978, le film suit deux journalistes visitant le camp construit par un culte d’inspiration chrétienne et ayant recueilli l’ex-droguée de sœur d’un ami photographe. Après l’interview du chef de la communauté, un vieil homme charismatique appelé “père” par toute la communauté, l’atmosphère bon enfant se délite jusqu’à virer au cauchemar éveillé. La longue mise en place de l’action, gimmick de Ti West souvent décrié par ses détracteurs, prend ici tout son sens. Car si The Sacrament prend bien le temps de nous présenter une communauté d’apparence tranquille, faisant vaciller nos préjugés en même temps que ceux des journalistes, c’est pour mieux nous glacer le sang dans son dernier tiers.
Allant un peu plus loin que le film basique de secte folle, le scénario se la joue ambiguë dès le début : la visite des deux reporters n’était pas prévue et le film en profite pour suggérer ensuite à plusieurs reprises que cette visite, vécue comme “l’arrivée d’un ver dans un fruit désormais condamné”, est responsable du sort funeste de la communauté. Une manière intelligente de ne pas seulement s’attaquer à la mécanique sectaire mais de dénoncer également les défaillances d’un système social incapable de protéger ses populations les plus fragilisées en période de crise, les laissant à la merci des gourous et autres laveurs de cerveaux aux beaux discours.
Côté réalisation, Ti West prend quelques libertés avec les codes de mise en scène du genre found footages pour s’éloigner de l’image crade et des caméras atteintes de Parkinson. Le côté “documentaire Vice Magazine tournant mal” est donc crédible en plus d’être plus agréable à regarder que les autres films du genre. Plus important, on garde le principal intérêt de ce gimmick : un effet de réel d’autant plus déconnecté de tout affect qu’une entière séquence est même filmée par l’un des membres de la secte, rendant alors encore plus dérangeantes les scènes d’horreur collective. Pour ne rien gâcher, AJ Bowen, acteur récurrent de tout ce nouveau cinéma horrifique indépendant américain (You’re Next, Hatchet 2, The House Of The Devil…), campe un journaliste crédible et ses questionnements rentrent en écho avec ceux du spectateur. Quant au gourou, Gene Jones fait le taf sans être pour le coup vraiment renversant. On reste quand même derrière l’interprétation illuminée de Michael Parks dans le Red States de Kevin Smith.
On regrettera par contre quelques facilités scénaristiques; des astuces un peu trop déjà vues impliquant femme enceinte et petite fille battue pour attacher un peu superficiellement le spectateur. Des accessoires superflus quand développer un peu plus la relation frère-sœur problématique du film aurait été plus efficace. Pour le reste, Ti West livre sans conteste l’un des meilleurs found footages jamais réalisés et on attend maintenant de le voir s’attaquer à un tout autre genre : le western, avec In The Valley Of Violence.
Critique par Alex B
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TRAILER :
Enfin, un film qui sort de l’ordinaire (ce n’est pas l’Incarnation de l’originalité mais tout de même), basé sur des faits réels (ce qui n’est pas toujours vraiment le cas pour tous les films) et qui m’a personnellement, vraiment beaucoup plu. J’ai aimé l’ambiance malsaine et gênante qui régnait durant tous le film. Malgré une fin un peu rapide à mon goût, je recommande ce film que je citerais sans aucun doute lorsque je parlerait de mes films d’horreurs préférés.
Ce n’est pas le bon trailer, cherchez “The” Sacrament.
Métrage de plus en plus immersif, un de ceux qui m’ont marqué, Ti West a cueilli le scénario et le décor qu’il fallait (une sorte de pénitentier sans murs) et a su montrer jusqu’où la dépression à plusieurs pouvait aller, à quel point un délitement pouvait mener à ce que tout dégénère y compris l’espoir d’y remédier – quand la solution est désespérante et pire que le mal, quoi de mieux pour un film d’horreur ? Sans aucune pointe de comédie ici, la nature tragique n’est en rien abîmée par l’arrivée de l’angoisse (et il y en a), l’histoire domine toujours ce qui est vu. Le sentiment d’une chute vertigineuse masque parfaitement la volonté du réalisateur de marquer les esprits ou d’imposer une ambiance, donc volonté sans éclat dès le départ mais parfois trop à vue et artificielle dans d’autres films, ce qui donc n’en fait pas un “produit industriel” du cinéma “à effet garanti” mais plus un venin naturel, basé sur les instincts, issu d’une piqûre anodine déjà oubliée (la “transparence” du début du film), qui mettra une heure à vous mener au malaise et vous faire le témoin d’une obscénité morale rarement vue.
Si vous aimez ce thème, matez aussi “The Invitation” de Karyn Kusama, aussi déboussolant que celui-là