Terry, père célibataire et travailleur acharné, a droit à un nouveau départ dans sa vie : il reçoit une greffe du cœur et rencontre une femme magnifique. Alors que son nouveau cœur semble battre à son propre rythme, d’étranges maux de tête et des visions inexplicables apparaissent… Hanté par son passé, le cœur commence à prendre possession de Terry et sa nouvelle vie va très vite tourner en un véritable cauchemar…
Produit par la Scott Free Productions des frères Tony et Ridley Scott et réalisé par Michael Cuesta (L.I.E ; Six Feet Under ; Dexter), Transplantation, Tell Tale de son titre original, est un thriller anglo-américain de prime abord ambitieux, qui certes aborde le thème de la mémoire cellulaire sous un angle plutôt attrayant mais qui déçoit indéniablement de par la platitude de son rythme et le manque de consistance évident de son scénario. Bâclé et superficiel, Transplantation avançait pourtant de bonnes idées qui auraient pu faire mouche si elles avaient été exploitées avec plus de (talent ?) conviction. Dommage.
Premièrement, si le film déclare s’inspirer de la très courte nouvelle « Le Cœur Révélateur » d’Edgar Allan Poe, il me semble important de préciser que les deux œuvres n’ont en commun qu’une seule et unique citation : la toute dernière phrase de la nouvelle de Poe (« c’est le battement de son affreux cœur ! ») prononcée avec beaucoup d’ironie par l’un des personnages à la fin du film. Outre cette maigre référence à l’œuvre originale dont le scénario de Transplantation est censé être tiré, il n’y a pas vraiment de connexion pertinente à établir entre les deux. Ceci étant dit, attardons-nous sur le concept principal du film et les mécanismes par lesquels celui-ci parvient à nous faire ressentir l’influence vengeresse de cet « affreux cœur »…
L’intrigue débute véritablement quelques mois après la greffe de cœur qu’a subie Terry (Josh Lucas ; Hulk ; Le Secret des Frères McCann ; Furtif), jeune papa célibataire et abîmé par la vie qui élève seul sa toute petite fille. Dès lors, l’organe étranger qui lui a été donné n’aura de cesse de se manifester, « plus fort, toujours plus fort », pour le forcer à accomplir sa quête justicière post-mortem. Le traitement sonore tient de ce fait une place très importante dans le métrage, car c’est par l’intermédiaire des battements assourdissants du cœur de Terry que le processus de possession sera retranscrit à l’écran, allant parfois jusqu’à complètement recouvrir les autres éléments sonores des séquences en question. Ce procédé stylistique, bien que répétitif et un brin désuet, parvient néanmoins à envelopper l’histoire d’un voile de mystère qui ne cessera de s’épaissir au fil du film.
Terry va alors commencer à changer, aussi bien psychologiquement que physiquement, les cellules souches du donneur envahissant peu à peu son propre système immunitaire défaillant, jusqu’à totalement prendre le contrôle de ses envies, de ses goûts, et même de ses souvenirs. La lente mais certaine métamorphose de Terry reste très subtile et plutôt convaincante, mais l’on aurait tout de même souhaité que le réalisateur aille un peu plus loin dans son exploration psychologique de ce personnage progressivement dépossédé de son Moi profond au profit d’une nouvelle identité dont il ignore tout. Malheureusement, tout ceci reste assez superficiel, malgré l’excellente interprétation de Josh Lucas qui réussit à exprimer la souffrance morale et physiologique de son personnage avec beaucoup de crédibilité.
L’intrigue en elle-même reste bien ficelée, mais pas assez pour que certaines actions ne soient pas prévisibles… D’autre part, le grand tort du scénario est de s’évertuer à mettre en place bon nombre d’éléments qui ne seront jamais réellement creusés, n’apportent pas grand-chose à l’histoire et qui plus est ralentissent considérablement le rythme narratif ; citons par exemple le fait que sa fille Angie soit atteinte d’un maladie génétique extrêmement rare, sa liaison platonique avec la séduisante docteur Liz (Lena « Sarah Connor » Headey ; 300 ; Les Frères Grimm), ou encore les motivations profondes du détective Van Doren, interprété par le charismatique Brian Cox, le premier à avoir incarné au cinéma le rôle du célèbre docteur Hannibal Lecter dans Manhunter de Michael Mann. Ces éléments pourraient certes contribuer à l’élaboration d’un « cadre » diégétique facilitant l’identification spectatorielle par le biais de l’empathie, mais il n’en est rien car ils demeurent futiles de bout en bout. Le film reste donc désespérément plat, parfois même à la limite de l’ennui, et laisse l’impression fort regrettable d’avoir été honteusement bâclé.
Pourtant, certains passages de Transplantation ont le mérite d’être remarquablement bien mis en scène et de parvenir à susciter un authentique sentiment d’aversion dans l’esprit du spectateur. La scène finale, basée sur une angoisse quasi-phobique absolument pernicieuse, est à mon sens la plus réussie de tout le film et pourra même être perçue comme réellement éprouvante par certains ; le travail de montage opérant des prouesses hélas bien trop rares pour rehausser le niveau de Transplantation. Pour autant, le film ne contient pas de scènes vraiment gore, même si quelques-unes d’entre elles peuvent surprendre de par leur violence inattendue et parfois même frontale (une seule en fait). Quant à l’esthétique générale du film, elle reste très correcte mais pas inoubliable pour un sou bien que l’on puisse noter qu’un certain soin ait été apporté à la photographie, ce qui a pour effet de produire diverses ambiances bien définies et cohérentes. D’autre part, le maquillage effectué sur l’acteur Josh Lucas s’avère très efficace (je vous ai parlé de transformation physique, nous y voilà !) car il joue sur des détails bien spécifiques tels que les pupilles dilatées ou encore les veines saillantes lorsque le cœur étranger s’amuse à faire des siennes.
« Décevant » est donc le maître-mot de Transplantation, dont le résultat final n’est certes pas catastrophique mais dans tous les cas bien éloigné de ce que pouvait laisser présager sa mention si prometteuse : « D’après Le Cœur Révélateur d’Edgar Allan Poe ». Un film qui n’est définitivement pas à la hauteur de ses ambitions, en somme… « Tout ça pour ça », j’ai envie de dire.
Par Emmanuelle Ignacchiti