Aura Petrescu, une jeune roumaine anorexique de 16 ans, tente de se suicider en se jetant par-dessus d’un pont. Elle est sauvée in extremis par David, dessinateur employé chez une chaîne de télé locale qui décide de l’aider. Mais Aura est arrêtée par la police pour s’être enfuie de la clinique psychiatrique dans laquelle elle était internée et reconduite chez ses parents. De retour chez elle, elle assiste aux meurtres de son père et de sa mère lors d’une séance de spiritisme mouvementée. Persuadée qu’elle est la prochaine sur la liste, elle se réfugie chez David, le seul en qui elle ait vraiment confiance. Ils décident alors de mener leur propre enquête pour découvrir l’identité du tueur en série qui les a pris en chasse.
Pour son douzième long-métrage réalisé en 1993, Dario Argento offre le premier rôle à sa fille Asia Argento (Le Syndrome de Stendhal, Land Of The Dead), la mettant par là même dans une position plutôt inconfortable.
En effet, lors d’une interview donnée autour du film, Asia Argento confia que l’interprétation de cette jeune fille anorexique lui demanda une très forte implication émotionnelle puisque ce personnage n’était autre qu’une retranscription cinématographique de sa sœur Anna, anorexique elle aussi. Trauma pouvait donc déjà compter sur le jeu très « habité » de son actrice principale en proie à des démons intérieurs finalement plus réels que fictifs, mais force est de reconnaitre que cela ne parvient pas à faire décoller ce film très personnel.
Trauma souffre effectivement de nombreuses longueurs qui viennent casser le rythme déjà très lent de la narration. Pendant une bonne partie du film, le spectateur, ne disposant d’aucune piste à suivre pour participer activement à l’enquête finalement très secondaire des protagonistes principaux, ne sait pas vraiment où le film veut en venir. Hélas, la circonspection laisse rapidement place à l’ennui et l’on finit par assister passivement à une succession de saynètes plutôt intéressantes et bien réalisées mais qui ne réussissent jamais à vraiment faire sens au sein d’une cohérence scénaristique que l’on aurait souhaitée plus clairement élaborée.
Ainsi, l’histoire de Trauma manque cruellement de structure et, de ce fait, l’on n’adhère jamais complètement à l’intrigue qui se déroule de manière un peu anarchique sur un fond de romantisme à l’eau-de-rose.
En effet, c’est plus l’histoire personnelle d’Aura, cette jeune fille à la fragilité plus que palpable poursuivie sans répit tant par ses docteurs que par l’assassin de ses parents, qui prend le dessus sur les meurtres en série du maniaque en costume sombre. Certes, il émane de ce personnage aux symptômes psychosomatiques plus que d’actualité une aura singulière véritablement bouleversante, les traits d’Asia Argento convenant parfaitement à l’expression d’un passé refoulé venant hanter la jeune héroïne sans rémission, mais cela ne suffit pas à faire prendre la mayonnaise de manière convaincante.
Outre le personnage d’Aura, les autres protagonistes du film demeurent tous plutôt fades et sans grand intérêt, surtout le personnage de David interprété par Christopher Rydell (Flesh And Bone, Piège sur Internet) qui fait preuve d’une absence de profondeur absolument remarquable. Seul Brad Dourif (Halloween 2, Bad Lieutenant) réussit durant ses quelques minutes d’apparition à légèrement renverser la donne, usant de sa prestance des plus charismatiques pour relancer un peu l’intrigue jusqu’à présent tombée en stand by. Le spectateur a donc très souvent l’impression que Trauma repose davantage sur les maigres épaules d’Aura ainsi que sa relation naissante avec le bien plus âgé David que sur la résolution de l’enquête amorcée dès les premières minutes du film. Par ailleurs, l’enquête en question comporte des éléments qui resteront irrésolus, ainsi que quelques ellipses fort mal placées qui parviennent à dérouter même le spectateur le plus habitué aux codes narratifs d’Argento. Le twist final s’avère quant à lui plus que bancal et prévisible dès la moitié du film, et fera preuve pour qui connait bien la filmographie Argentesque d’un manque d’originalité flagrant.
Mais, fort heureusement, la célèbre griffe du cinéaste imprègne l’intégralité de ce film à l’inégalité regrettable et c’est avec grand plaisir que l’on retrouve tout un ensemble de codes filmiques chers au réalisateur de Suspiria déjà présents dans Les Frissons de l’Angoisse ou encore Le Sang des Innocents. En effet, Trauma comporte de nombreux plans réalisés selon la vision subjective du tueur dont on n’aperçoit que l’ombre floue ou la main gantée de noir, de même qu’un savant jeu d’ombres et de lumière lui permettant de subtilement mettre en scène l’atrocité des meurtres commis sans en faire des tonnes. Car cette fois-ci, Dario Argento a décidé de nous la jouer plus fine : les scènes gores très ostentatoires qu’on lui connait sont mises de côté au profit de la suggestion, bien plus présente que par le passé et surtout plus efficace. Rassurez-vous, les effusions de sang sont toujours de la partie et certaines scènes ont le mérite d’être assez éprouvantes, mais dans l’ensemble, Trauma se veut plus sage que les précédents films du réalisateur (d’où l’absence d’interdiction). Quelques bonnes scènes donc, quoique légèrement répétitives, qui auront de quoi ravir les fans du maître de l’horreur à la sauce italienne.
Trauma est donc un film souffrant de nombreuses lacunes scénaristiques et narratives qui risquent de rebuter le spectateur lambda et de décevoir le fan d’Argento mais qui dans son ensemble constitue un tournant décisif dans la carrière du réalisateur tant par l’implication personnelle de ce dernier dans son film que par sa manière nouvelle d’envisager l’horreur sous des formes bien plus subtiles qu’à son habitude.
Par Emmanuelle Ignacchiti