Pour Oren Peli, scénariste et réalisateur, maison est synonyme d’horreur. Au sens littéral du terme.
Car c’est dans sa propre maison de la banlieue de San Diego que Paranormal Activity a été tourné en 2006, en sept jours seulement, avec les coproducteurs Toni Taylor (petite amie de Peli à l’époque) et Amir Zbeda, meilleur ami du réalisateur. D’origine israélienne, Peli – dont le nom signifie «merveille» en hébreu – a abandonné l’école à l’âge de 16 ans pour monter sa propre entreprise de logiciels. Trois ans plus tard, il émigre aux Etats-Unis pour y développer des jeux vidéo et des films d’animation. Il loge dans des appartements bon marché – jusqu’au jour où il rencontre Toni Taylor et décide de s’installer avec elle.
Peli se souvient avec angoisse de ses recherches d’une maison car, à l’époque, l’immobilier flambait dans le sud de la Californie. Du coup, à chaque fois que le couple faisait une offre, on les envoyait balader… « Autant dire que lorsqu’on a déniché cette maison, on a réagi immédiatement en acceptant le prix qui en était proposé et on a signé le compromis de vente» explique-t-il. « C’était la première fois que je vivais dans une maison car je n’avais habité jusque-là que de petits meublés,» poursuit-il. «Je me suis rapidement rendu compte que dans une banlieue paisible, on fait attention au moindre bruit, surtout la nuit.» «L’atmosphère de la maison était troublante : on entendait des objets tomber des étagères pendant la nuit» reprend-il. «Je ne dis pas qu’il s’agissait d’un fantôme car ces incidents – si on peut les appeler ainsi – avaient lieu à plusieurs mois d’écart.» De son côté, Taylor explique que, tout comme Katie dans le film, elle se sent “hantée” depuis des années – bien avant de faire la connaissance de Peli. «Je me dis que j’ai inspiré son personnage» signale-t-elle. Elle ajoute qu’elle a eu envie de re-décorer la maison dès leur emménagement, mais que Peli préférait attendre. Et, de fait, ils ont attendu… Au cours des deux années qui ont suivi, les bruits nocturnes, quoiqu’intermittents, ont continué. «Comme je suis fan de gadgets hi-tech, je me suis dit que ce serait sympa d’installer des caméras vidéo pour comprendre ce qui se passait» avoue Peli, en riant.
«Si les caméras captaient de bonnes images, je me disais que ça pouvait faire un film assez intéressant,» poursuit-il. «Et depuis Le Projet Blair Witch, on sait qu’on peut toucher le public avec un long métrage qui ressemble à un film amateur.» Ce n’est pas la première – ni la dernière – fois que Peli se réfère à Blair Witch qui, dit-il, l’a inspiré pour Paranormal Activity. Après avoir écrit son scénario, Peli est tombé d’accord avec Taylor : il était temps de re-décorer la maison. C’est ainsi que le couple a installé un nouveau parquet, suspendu quelques tableaux aux murs et réaménagé la chambre. Taylor et Zbeda ont même construit la planche ouija qui joue un rôle-clé dans l’intrigue.
Taylor, aujourd’hui consultante en télécommunication free-lance, explique qu’elle en veut un peu à son petit copain de l’époque d’avoir consenti à re-décorer la maison pour les besoins du film, et non pas parce qu’elle le lui avait demandé. Pour autant, elle souligne le fait qu’elle a toujours aimé le film et soutenu Oren dans ses projets. Au moment même où sa maison se dotait d’un nouveau parquet, Peli organisait également une séance d’auditions à San Diego : il a alors été déçu d’apprendre que la plupart des comédiens qui s’y étaient présentés venaient de Los Angeles. Une autre séance a donc été fixée à Hollywood : 150 acteurs y ont tenté leur chance. C’est à cette occasion que le réalisateur a découvert Katie Featherston et Micah Sloat. «Ils faisaient partie des rares comédiens qui ont immédiatement compris la psychologie de leur personnage lorsque nous leur avons posé la question rituelle : ‘Dites-nous, à votre avis, pourquoi votre maison est hantée ?’ (…) Par la suite, quand nous avons réuni Katie et Micah, ils formaient un couple parfaitement crédible qui donnait l’impression de se connaître depuis des années,» ajoute Peli. «Ils se parlaient de leurs vacances et du fait que la mère de Katie n’était pas ravie qu’ils habitent ensemble. Ils ont tout de suite imaginé un passé à leurs personnages. C’est à ce moment-là que j’ai compris que j’allais pouvoir mener le film à bien car je ne me voyais pas le faire si je ne trouvais pas des comédiens vraiment convaincants.»
Peli tenait particulièrement à ce que l’atmosphère du tournage soit proche de celle d’un documentaire : «Je ne voulais pas que les acteurs se préoccupent de l’éclairage, ou de la mise en scène,» note-t-il. «Pour autant, je souhaitais que le film ait son propre style visuel. En réalité, il fallait surtout que les comédiens se sentent en confiance, sans les perturber avec des problèmes de mise en scène.» Seule exception à la règle : le plan fixe où Micah installe la caméra sur un trépied dans sa chambre. «Cela faisait des mois que je préparais ce plan,» reprend le réalisateur. «J’avais testé plusieurs types d’éclairages, mais je me suis rendu compte qu’il nous fallait une lumière naturelle. J’ai ensuite eu recours à des filtres au moment de la post-production jusqu’à ce que j’obtienne le résultat que je voulais. Je souhaitais qu’on distingue à peine ce qui se passe dans la chambre, tout en gardant une certaine luminosité pour que le spectateur suive l’action.»
Il revenait ensuite à Sloat de filmer les événements qui se déroulent hors de la chambre. Or, il se trouve que l’acteur avait été cadreur pour la chaîne de télé de son université. «Il cadrait extrêmement bien – parfois même trop bien – et je lui demandais alors de fermer le viseur et de se contenter de faire le point et d’appuyer sur le déclencheur,» note Peli. Bien qu’il considère que Micah et Katie avaient très peu besoin d’être dirigés, le cinéaste fixa quelques règles : il était favorable à l’improvisation, mais il ne souhaitait pas que les comédiens s’appellent par leurs noms inutilement. Il a également donné à ses interprètes une consigne dont l’idée lui est venue en regardant les bonus du DVD de la série L’Hôtel en Folie : lorsque le personnage joué par John Cleese faisait de la peine à Sybil, elle ne réagissait même pas – sans doute parce que, lorsque deux personnes s’aiment, elles n’ont pas besoin de prendre mille précautions l’une avec l’autre. «Du coup, j’ai donné entière liberté à Micah pour embêter Katie qui, elle, pouvait réagir avec spontanéité – autrement dit, comme si elle y était habituée,» précise Peli. Pour les effets sonores et les décors, le metteur en scène a employé le même degré de réalisme. «Comme dans Blair Witch et Open Water – En eaux profondes, je voulais qu’il y ait très peu de sang,» explique-t-il. «Je n’aime pas les films d’épouvante qui versent dans l’excès. De même, je souhaitais que les effets sonores soient subtils. On a simplement choisi un très léger bourdonnement que l’on entend dans la chambre, et c’est tout. Le fait qu’il y ait de nombreuses scènes sans dialogue oblige le spectateur à ne pas faire de bruit et à être extrêmement attentif au moindre détail. Le silence ne fait que mettre en relief le côté anormal des légers tapotements contre le mur que l’on entend.»
Peli explique que le tournage s’est déroulé dans une telle discrétion que le voisinage ne l’a même pas remarqué. D’ailleurs, personne ne s’est vraiment rendu compte qu’un film était en cours de tournage. «La seule raison pour laquelle j’ai raconté à mes parents que je préparais un film, c’est qu’ils nous ont rendu visite alors qu’on était en train de re- décorer la maison,» signale le réalisateur. «Quand je me mets à travailler sur un projet, je n’aime pas en parler parce que si je commence à le faire, cela m’empêche de le réaliser. Du coup, je n’ai rien dit à personne et je l’ai mené à bien.» Au bout de sept jours de tournage – et grâce à Taylor et Zbeda qui ont aussi bien apporté leurs propres idées de scénario que participé à la conception des accessoires et des cascades –, Peli était prêt à monter le film sur son ordinateur personnel avec le logiciel Sony Vegas. Pourtant, si le tournage s’était déroulé sans difficulté, il allait en être autrement du montage. Miné par le doute, Peli a mis beaucoup de temps à trouver les enchaînements qui le satisfassent. «Alors que je travaillais sur le montage de la scène où la porte claque, je me suis d’abord dit que c’était formidable et que je pouvais m’arrêter là,» rapporte-t-il. «Mais le lendemain, j’ai revu la scène et je l’ai trouvée totalement ridicule et invraisemblable.»