[Entretien] DENNIS GANSEL, Réalisateur et auteur de Nous Sommes la Nuit

[Entretien] DENNIS GANSEL, Réalisateur et auteur de Nous Sommes la Nuit

Aimeriez-vous être un vampire ?
Oui, sans hésiter. Pouvoir traverser les siècles comme Louise, découvrir de nouvelles époques et rencontrer toujours de nouvelles personnes serait passionnant. Je suis certain que l’immortalité est une chose dont je ne me lasserais jamais. Quand je pense à tous ces livres ou tous ces films que je ne pourrai jamais lire ou voir, cela me rend triste. Le temps que nous passons sur Terre est tout simplement trop court.
Alors pourquoi les femmes vampires de NOUS SOMMES LA NUIT sont-elles si malheureuses ?
Parce qu’elles ne savent pas quoi faire d’elles-mêmes. Elles vivent dans le luxe, se livrent à tous les excès, font la fête et profitent comme des folles. Mais tout ce qu’il en résulte, c’est un grand vide intérieur. Le film parle aussi de cela. Si Louise se retirait dans une paisible maison de campagne quelque part en Irlande et faisait quelque chose pour cultiver son âme, tout irait bien mieux. Mais elle n’est pas comme ça. Ce vampire s’est créé un monde glam-rock qui attire Lena dans un premier temps, mais la jeune fille réalise ensuite qui sont vraiment ces femmes qui semblent si fortes et si belles : des êtres extrêmement solitaires qui rêvent d’amour, de tendresse, d’un foyer et d’une famille.
Est-ce qu’il y a des points communs entre NOUS SOMMES LA NUIT et vos deux derniers films, LA VAGUE et NAPOLA ?
Tous ces films parlent de séduction et de tentation, et mettent en scène des personnages qui découvrent un nouveau monde, une nouvelle expérience. Dans NAPOLA, c’est le nazisme ; dans LA VAGUE c’est l’esprit d’équipe poussé à l’extrême, et dans NOUS SOMMES LA NUIT c’est la vie de vampire ultra hédoniste. NOUS SOMMES LA NUIT raconte un passage à l’âge adulte moderne. Après avoir été happée contre son gré, Lena trouve du plaisir dans sa nouvelle vie, puis elle grandit, devient plus mature et finit par trouver sa propre voie.
Vous aviez projeté de faire NOUS SOMMES LA NUIT bien avant NAPOLA et LA VAGUE. Qu’est-ce qui n’a pas marché ?
J’ai parlé de mon idée, cette d’histoire d’amour entre vampires, à Christian Becker, le producteur du film, en 1996, lorsque nous étions étudiants en cinéma et colocataires. Peu après, j’ai écrit le traitement de ce qui devait s’appeler « The Dawn » que je pensais pouvoir tourner très vite. Mais cela ne devait pas être le bon moment. « The Dawn » est sans doute un des projets les plus refusés de toute l’histoire du cinéma ! Mais Christian et moi avons toujours cru à cette histoire. Au final, le film sortira en Allemagne après votre 37e anniversaire, et le scénario de « The Dawn » est devenu NOUS SOMMES LA NUIT, écrit par Jan Berger. Les personnages sont les mêmes, mais l’histoire a changé. D’un seul coup, mon scénario original est devenu trop semblable à celui de TWILIGHT. Pour moi, cela a été un coup terrible de voir que Stephenie Meyer connaissait un succès mondial avec une idée qui ressemblait à celle que j’avais eue plus tôt, et qui avait été refusée par tout le monde. Jan Berger m’a dit que l’histoire centrale était bonne, et qu’il fallait juste changer le point de vue, raconter l’initiation d’une personne dans le monde des vampires. C’est une approche qui m’a plu.

Quelles conventions des films de vampire avez-vous choisi de garder ou de supprimer ?
Nous n’avons pas fait de liste, mais nous nous sommes demandé ce qui était cool dans les films de vampire, et ce qui ne l’était pas. Les canines, le sang et l’absence de reflet, ça c’est vraiment cool. Les chauves-souris, l’ail et les crucifix, ça craint. Les histoires d’amour à l’eau de rose, ça aussi ça craint. Nous voulions de l’action.
A votre avis, pourquoi les films de vampire ont-ils autant de succès ?
C’est un genre qui a toujours fasciné parce que ces créatures sont elles mêmes fascinantes. Elles nous placent à la fois devant ce qui nous excite le plus et ce qui nous terrifie le plus. Il y a bien sûr le plaisir de se faire peur et l’attirance physique qu’exerce le vampire, sa liberté. Quand on regarde tout ce qui a été fait dans le genre, on remarque que les meilleurs films de vampire étaient aussi de très bons reflets de leur époque.
En quoi NOUS SOMMES LA NUIT reflète-t-il les années que nous vivons ?
En se déroulant dans le monde des boîtes de nuit ultra branchées, le film reflète l’état d’esprit de notre société. Nous sommes tous obsédés par le monde et la culture des jeunes, nous voulons faire ce qui nous plaît, dévaliser les boutiques et faire la fête toute la nuit. Nous ne pensons qu’à nous-mêmes et à nous amuser, les gens se fichent de tout. Comme Lena dans le film, nous devons comprendre que chaque mode de vie a un prix…

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