Le 16 juin dernier, l’évènement à ne pas rater pour tout amateur de bandes fantastiques cultes et débridées était incontestablement la nuit des 40 ans de la mythique revue Mad Movies. Un anniversaire fêté en grandes pompes et en collaboration avec le Gaumont Opéra Capucines qui accepta d’ouvrir les portes de sa très belle deuxième salle à quelques 500 cinéphiles préparés à une nuit blanche de folie, prêts à en découdre avec une programmation en tout point exceptionnelle. L’avant-première, longtemps tenue secrète, fit instantanément parler d’elle sur les forums spécialisés et autres réseaux sociaux, tant le film choisi par les organisateurs était attendu et alimentait déjà de nombreux débats passionnés : le remake du très glauque (et très réussi) Maniac de William Lustig. Et pourtant ! Sans vouloir dévaloriser l’importance de cette projection très en avance sur la date de sortie officielle (inexistante à l’heure actuelle, le film n’a d’ailleurs toujours pas de visa d’exploitation), le gros du morceau restait encore à venir : véritable invitation à un voyage cinématographique à travers les décennies passées, cette nuit hors-norme dans le paysage culturel hexagonal proposait quatre classiques indispensables accompagnés pour l’occasion d’une multitude de bandes-annonces d’époque tour à tour hilarantes, étonnantes et jubilatoires. Le tout en 35 millimètres afin d’émuler au mieux la sensation d’être remonté à une époque pas si lointaine où le cinéma fantastique voyait émerger de nombreux réalisateurs prometteurs qui avaient l’honneur d’être projetés dans les salles obscures. Aujourd’hui, il reste avant tout le souvenir d’avoir participé à un évènement unique dont on on espère qu’il fera des petits très vite. Impressions…
Toute l’équipe de la revue dédiée au “plus fort du cinéma” est là pour ouvrir les hostilités, soutenue par son créateur Jean-Pierre Putters, venu faire les présentations. Riche en anecdotes et en émotion, cette prestation fit souvent éclater de rire un public hilare, interdit devant ce personnage emblématique de la presse française, se livrant avec une bonne humeur communicative à un festival déchaîné d’informations diverses enjolivées de traits d’humour particulièrement savoureux. On se souviendra longtemps de cette énonciation par le menu de multiples numéros de Mad Movies considérés comme importants par JPP qui, sous l’influence certaine du regard consterné de certains spectateurs apeurés de devoir se coltiner l’historique de chaque numéro jusqu’au plus récent, prit conscience de l’absurdité de la situation et laissa la parole à Gérard Cohen, avec l’approbation complice d’un public d’ores et déjà conquis. Après un petit laïus aussi conventionnel qu’instructif de la part du directeur de publication susnommé, c’est Fausto Fasulo, rédacteur en chef, qui prit la parole pour assurer la présentation de Maniac crû 2012, première projo de la soirée, exercice qu’il allait réitérer pour chacun des films suivants. Clair et concis, l’accent est avant tout mis sur le très célèbre métrage de William Lustig afin de mettre en lumière l’importance capitale de ce psycho-killer movie glauque pour les quelques spectateurs qui ne l’auraient pas déjà vu. Mais l’impatience dans la salle est palpable et il est temps de se taire pour laisser parler les images.
La présentation : 1ère partie
La présentation : 2ème partie
Les programmateurs de la soirée scotchent tout le monde dès que les lumières s’éteignent, avec un premier florilège de bandes-annonces inattendues (le génialement kitsch Dark Angel avec Dolph Lundgren ouvre le bal) et cultes (Zombie de Romero et son mythique score par Goblin). Il parait évident qu’au-delà du pouvoir hautement délirant de ces pots-pourris composés avec amour (d’autres suivront, intercalés entre chaque film), les organisateurs ont trouvé là l’opportunité de placer entre les longs-métrages les images d’autres films mythiques qui avaient clairement leur place dans une sélection que l’on imagine drastique et accouchée dans la douleur. Impossible de les citer tous tant ces petits moments de joie furent nombreux et variés mais citons-en tout de même quelques uns parmi les plus marquants : Maniac Cop 2, Le Crocodile de la Mort, La Légende des 7 Vampires d’Or, Terminator 2, Scanners, … Les nanars étaient également de la partie avec les improbables Highlander 2 et Mortal Kombat. Dernière véritable surprise, et non des moindres, la bande-annonce de T’aime, seul et unique métrage réalisé par Patrick Sébastien, projetée devant un public aussi hilare que médusé.
Produit par Alexandre Aja et mis en scène par Franck Khalfoun dont le précédent effort, P2 (2ème Sous-sol chez nous), n’avait pas laissé un souvenir impérissable, Maniac crû 2012 a fait l’effet d’un électro-choc brutal en ces temps où l’horreur frileuse se trouve forcément abordée sous l’angle subjectif du found-footage, procédé stylistique exploité ad nauseam et qui peine de plus en plus à trouver une véritable justification narrative. La réponse de Maniac à cet état de fait pourra en rebuter plus d’un mais force est d’admettre l’inventivité de ce remake dans l’art d’extrapoler sur une formule à bout de souffle pour en ressortir enfin un regard vraiment neuf. La quasi-intégralité du long-métrage est en effet dévoilée du point de vue de son assassin, psychotique œdipien dont les exactions sordides à base de scalps et de démembrements nous sont transmises avec une subjectivité glaçante. Nous reviendrons très vite sur ce gros coup de cœur à l’occasion d’une critique in extenso. |
Maniac 2012 : Red Band Trailer
Les glorieuses mesures symphoniques du célèbre logo orchestral de René Chateau Video lancèrent avec une prestance typiquement 80’s la projection du film d’horreur le plus culte et transgressif des années 70. En son temps premier volume de la mythique collection de VHS “Les films que vous ne verrez jamais à la télévision” du célèbre éditeur à la panthère noire, Massacre à la Tronçonneuse asséna sa hargne bien connue, enfin amplifiée par la puissance d’une copie granuleuse dont le confort de visionnage se trouvait à des années-lumière des remastering HD des récentes éditions blu-ray. La force du chef-d’oeuvre de Tobe Hooper ne s’en trouva que décuplée, tant la recherche (et l’atteinte) du point de rupture psychique de Sally Hardesty (éternelle Marilyn Burns) sembla se matérialiser sur la pellicule pour mieux attendre l’œil du spectateur et lui fracturer la rétine. Éprouvant. Seul bémol, le film fut projeté dans sa très ringarde VF d’origine, assurée à une époque où les doublages pour ce genre de cinéma étaient synchronisés par des artistes n’en ayant simplement rien à foutre. De quoi les assommer à coups de maillet et les planter sur un croc de boucher pour les laisser se vider de leur sang. |
Le logo René Château Vidéo, rien que pour le plaisir…
Et la bande-annonce de Massacre… pour se mettre dans l’ambiance
D’une importance capitale dans la vie de la revue et dans le cœur de ses rédacteurs, la très inspiratrice œuvre de John Carpenter constituait un incontournable. New York 1997 eut ainsi l’honneur de représenter les années 80, avec une classe anarcho-nihiliste de circonstance. Le western post-apocalyptique fut applaudi par une foule enthousiaste dès l’apparition de l’écran titre américain (John Carpenter’s Escape from New York, donc) accompagné des notes du célèbre thème principal composé par le metteur en scène lui-même. Emblématique. Silence religieux durant cette projection en version française (cette fois excellente) qui changea radicalement l’atmosphère de la soirée après deux films d’horreur âpres et jusqu’au-boutistes. On sentait néanmoins quelques endormissements ou départs pour les moins courageux ; la suite se devait donc de ruer dans les brancards à grand renfort de décharges d’adrénaline. |
Et rien de mieux qu’un bon gros classique rentre-dans-le-lard pour requinquer tout le monde ! Les très pauvres années 90 n’étant qualitativement pas très riches en terme de cinéma fantastique débridé, le choix fut vite arrêté sur le brûlot anti-américain de Paul Verhoeven. Meilleur film US du hollandais violent avec RoboCop, Starship Troopers fit sans aucun doute office de coup de fouet dans les valseuses. Toujours aussi fou, toujours autant d’actualité, la satire bourrine de Verhoeven, par son portrait sans concession d’un interventionnisme militaire fascisant peut, encore aujourd’hui, se targuer de tenir la dragée haute à nombre de blockbusters d’action adoubés à la cause des déploiements de soldats aux quatre coins de la planète. Contrebalançant à merveille l’heure tardive de sa projection (de mémoire, il était quand même 3h30 du matin), sa barbarie et son humour décapant maintinrent éveillés des spectateurs qui avaient encore une pépite supplémentaire à se mettre sous la dent avant de sombrer dans les bras de Morphée. |
Pour finir sur une note plus douce, l’idée d’une comédie semblait faire l’unanimité. Mais pas n’importe laquelle ! Romantique. Avec des zombies. Un cahier des charges qui ne pouvait qu’être assuré par le génial Shaun of the Dead. Mélange improbable de sentiments touchants au service de ses personnages et de gore viscéral très respectueux du genre dans lequel il s’inscrit, le film d’Edgar Wright, malgré le lever du soleil que nous pouvions tous sentir dans la lourdeur de nos paupières, provoqua de nombreux éclats de rire aussi sincères que fatigués. Une très bonne manière de clôturer avec légèreté et bonne humeur ce marathon de folie en ouvrant la voie à un jeune réalisateur prometteur (qui a déjà confirmé depuis) et au cinéma fantastique du nouveau millénaire (qui reste encore à faire). |
Au final, le bilan est vraiment excellent pour cette soirée dédiée à l’éclectisme, à la passion et à la qualité (le tout mâtiné d’un brin de nostalgie), caractéristiques qui tendent à se perdre dans l’uniformisation de masse que subit le cinéma que nous affectionnons tant. Merci donc à toute l’équipe organisatrice, aux journalistes de Mad et au Gaumont Opéra pour cet évènement hors du commun. Keep up the good work, guys, on sera là pour les 50 ans !
Et un gros Big Up à belgarath et OlendelL pour les photos et vidéos 🙂
Nicolas Dehais