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Gérardmer 2018 : LE compte rendu du festival

Un quart de siècle, déjà…. Depuis vingt-cinq ans, le festival Fantastic’arts de Gerardmer défend les couleurs du cinéma fantastique et horrifique en France. Loin d‘être le seul festival aujourd’hui à compter dans notre pays, il reste néanmoins le plus populaire et le plus exposé médiatiquement. Afin de rendre justice à ce bel événement, voici un compte-rendu de mon expérience de festivalier sans filtre.

Dans sa quête insatiable de péloches fantastico-horrifiques, votre serviteur a décidé cette année encore de se rendre au festival durant les cinq jours que celui-ci dure, ce qui permet de profiter plus sereinement des séances du jeudi et du vendredi puisque durant le week-end les salles sont prises d’assaut. Un petit mot d’ailleurs sur l’organisation déplorable de la billetterie qui a suscité un tôlé sur les réseaux sociaux et a frustré nombres de festivaliers qui n’ont pas pu se rendre aux séances qu’ils souhaitaient. Une erreur à n’en pas douter corrigée l’année prochaine et qui ne m’a finalement pas empêché de profiter du festival.

DAY 1

Outre sa programmation, Fantastic’arts séduit aussi grâce à son emplacement. Gérardmer étant nichée au cœur des Vosges, le séjour dans cette jolie petite ville en bord de lac est souvent enneigé et brumeux, ce qui confère une atmosphère on ne peut plus adéquat à ce genre d’événement. Le film d’ouverture est « Le secret des Marrowbone » de Sergio G. Sanchez. On comprend vite que ce fameux secret est en fait celui de la réalisation d’un film très chiant, et déjà vu mille fois. Une énième intrigue familiale et spectrale en costumes, dont le dénouement attendu vient nous délivrer d’une séance à peine sauvée par la présence au casting d’Anna Taylor-Joy (sûrement pour faire le lien avec « Split » de Shyamalan qui ouvrait l’édition 2017 avec succès…). Une mise en bouche peu gouteuse, mais qu’importe, les quatre jours de compétition se profilent et « Marrowbone » aura été ma tisane camomille avant d’aller prendre des forces pour la suite du festival.

DAY 2

Pour cette vingt-cinquième édition, un hommage était rendu à Alex de la Iglesia et le jeudi est pour moi l’occasion de voir ou de revoir ses œuvres les plus marquantes. Première séance matinale pour son premier film, le complètement déglingué « Action mutante ». Les mutants sont ici un groupuscule terroriste de personnes handicapées rejetées par une société futuriste où le culte du beau est érigé en valeur morale. Fauchée comme pas permis mais servis par une mise en scène inspirée et un mauvais esprit réjouissant, cette première œuvre aux fulgurances gores et de mauvais goût est un véritable pamphlet visionnaire qui mélange allègrement la satire sociale, l’humour potache et le post apo. Détonnant, violent, parfois misogyne, et férocement drôle, cet ovni de science-fiction est la première pierre à l’édifice d’un réalisateur de talent.

Bond dans le temps, puisque j’enchaîne directement avec le dernier film en date de Alex de la Iglesia « Pris au piège ». Ce huis-clos fort bien maitrisé est la quintessence du cinéma de notre espagnol fou : un scenario à suspens, des personnages poussés dans leurs retranchements qui vont révéler leur véritable nature, et une direction d’acteurs remarquable. Totalement éloigné du genre fantastique, cet affrontement tendu entre les différents clients d’un bar mis en quarantaine par la police madrilène pour des raisons obscurs est une excellente surprise. On est face à une galerie de personnages savoureux et atypiques (mention spéciale au clodo fou et christique) dont l’instinct de survie les pousse à des actes plus ou moins coupables pour sauver leur peau, et quelques rares fois celles des autres. Alors que l’on pouvait craindre une baisse de rythme au vu du scenario minimaliste, il n’en est rien et de la Iglesia livre un thriller de haute volée où sa capacité à dépeindre la psyché de ses personnages se révèle le vrai point fort

Après une pause déjeuner à base de pâté lorrain (INDISPENSABLE quand on se rend au festival), j’enquille deux de ses œuvres les plus marquantes qui portent en elles toutes les qualités dont est paré « Pris au piège », à savoir « Mes chers voisins » (non rien à voir avec l’infecte mini-série de TF1) et « Le crime farpait » qui est peut-être le chef d’œuvre de son auteur. Je ne vais pas m’attarder sur ces deux excellents films, car ils sont éloignés du genre qui nous intéresse mais sachez que si vous aimez l’humour noir et grinçant, les thrillers prenant place un cadre quotidien familier, la satire sociale et les personnages hauts en couleur, alors foncez, c’est le haut du panier.

Cette journée se finit par du fromage fondu, c’est important le fromage fondu, et par la projection en compétition de « Tragedy girls » de Tyler McIntyre. Neo-slasher dopé aux réseaux sociaux, ce sympathique métrage un peu bancal s’attache au parcours de deux jeunes héroïnes qui se vautrent dans les clichés teenage cheerleader américains et dont le seul objectif est la gloire sur les internets, quitte à massacrer quelques personnes au passage et en faire leurs choux gras pour cumuler des vues. Avec son humour et son envie de mêler génération instagram et hommage aux grands classiques du slasher (chaque meurtre fait référence à une scène culte du genre), le réalisateur en oublie complètement de tenir son scénario, ce qui devient vite un problème tant le film est décousu et incohérent par moment. Reste une tentative louable et sans prise de tête de renouveler ce sous-genre. Je lâche un, petit, like.

DAY 3

C’est vendredi, il neige, et on donne dans l’éclectisme. Démarrage en trombe de sang avec « Game of death » des Canadiens Sébastien Landry et Laurence Morais-Lagace dont l’aspect amateur décomplexé et le concept réjouissant ne tiennent pas la route sur la durée pourtant courte du film. Un groupe d’horripilants adolescents plus ou moins en rut découvre un jeu de société qu’ils décident de tester tout en étant complètement déchirés à la bière et à la weed. Bien mal leur en prend puisque le game of death en question va comme son nom l’indique faire diminuer rapidement le nombre de participants puisque la règle est que soit vous tuez quelqu’un soit votre tête explose… Bricolé avec peu de moyens mais avec des effets gores tout à fait réussis, cette grosse blague potache tourne trop vite en rond et se repose sur des flashbacks en mode vidéo de potes sur youtube sans aucun intérêt. Cela s’explique par le fait que ce long-métrage est en fait la version cinéma d’une web-série de son auteur. Reste une super BO hommage aux synthés des années 80 de Julien Mineau. Mais bon, une seule partie suffira.

Changement d’ambiance avec le Mexicain « The Inhabitant » de Guillermo Amoedo. Un film en deux parties pas inintéressant mais malheureusement sans surprise tant il copie certains classiques du genre. Ainsi la première heure est une sorte de remake de « Don’t breath » (« La maison de la peur » en VF) mais en moins effrayant que le home-invasion de Fede Alvarez. Cependant le sous-texte social du gang de jeunes filles pauvres devant voler les riches pour survivre donne un éclairage peu réjouissant de l’état du Mexique aujourd’hui et le distingue de la masse du tout venant horrifique. Puis le film bifurque à 180 degrés dans le film de possession. On assiste alors à un gloubi-boulga de scènes d’exorcisme qui pompent allégrement les films existants sur le sujet, le chef-d’œuvre de William Friedkin en tête. L’explication de la possession est plutôt originale certes, mais le discours religieux qui l’accompagne est lui un peu gênant. Ah oui, et ça oublie de vraiment filer la trouille, ce qui est un peu dommage pour un film d’horreur.

C’est l’heure du pâté lorrain. Réconfort et paix intérieure.

Allez hop, du zombie. Mais du zombie français, oui madame. « La nuit a dévoré le monde » que ça s’appelle. Et puis c’est pas plutôt bien en plus. Alors certes c’est lent, trop, et long, trop, mais c’est une vraie vision originale du film de morts-vivants. Enfermé dans un appartement parisien suite à une soirée trop arrosée, notre héros joué par le très bon Anders Danielsen Lie se retrouve seul face à une horde de mangeurs de cerveaux qui squattent un Paris désert. On suit donc l’organisation de cette résistance solitaire, et l’évolution psychologique de ce personnage confronté à une solitude de plus en plus pesante. Ce thème est bien traité tout au long du film et on compatit rapidement à la destinée du héros, mais les trop longues scènes sans enjeux dramatiques viennent diminuer un peu l’impact un film par ailleurs très réussi dans sa mise en scène et son ambiance. Ça sort en salle en le 7 mars et ça mérite d’être soutenu.

Nouveau virage à 180 degrés et on embarque direction le Brésil avec l’une des plus belles découvertes de ce festival, « Les bonnes manières » de Juliana Rojas et Marco Dutra. Ce très beau drame humain sur les destins liés de deux femmes dans un Sao Polo où les divergences sociales étalent leur violence se cache sous les poils d’un film de loup-garou. Tout est jeu d’opposition dans ce film. La riche, insouciante et blanche Ana engage Clara, baby-sitter noire et pauvre, pour s’occuper d’elle et de son futur enfant. La première heure du film dépeint l’évolution de la relation entre ces deux femmes qui va prendre une tournure inattendue, dans un subtil jeu de séduction baigné d’une atmosphère rappelant parfois Rosemary’s baby. La naissance de l’enfant entraine son lot de bouleversements que je ne spoilerai pas, mais le long-métrage dévoile alors une toute autre facette, plus rugueuse, qui embrasse pleinement le fantastique. Ce film de loup-garou est surtout une magnifique métaphore sur l’instinct maternel, l’instinct de survie, sur l’acceptation de la différence au sein d’une société brésilienne où la lutte des classes fait rage et où la chasse au monstre est encore présente. Tous ces thèmes chers aux classiques des films de monstres Universal des années 40 (dont l’iconographie constitue le jingle du festival projeté avant chaque film) sont ici remis au goût du jour avec brio par le duo de réalisateurs. Sa mise en scène sobre et juste, sa direction d’actrices toutes deux excellentes, et le travail sur la photographie sont tout à fait remarquables. Récompensé à juste titre du prix ex-aequo du jury et de celui de la critique.

DAY 4

Le réveil pique un peu (la faute aux nombreuses Kwak descendues la veille ?) mais on n’est pas là pour déconner. Boom ! 9h avec le cul dans le fauteuil du cinéma pour découvrir « Cold Skin », cinquième long-métrage du français Xavier Gens. On va poliment dire que c’est un film « de réveil » : pas trop compliqué, pas trop chiant, mais pas très intéressant non plus. Cette histoire de monstres marins, qui ressemblent salement au Abe Sapiens du « Hellboy » de Del Toro et à la créature de « Shape of water » en plus moche, est trop classique et attendue pour emporter pleinement l’adhésion. Certes les décors naturels de cette ile rocailleuse et son phare sont jolis, mais la cohabitation entre vieux marin bourru et jeune idéaliste sent le réchauffé à plein nez. Quant à la relation à la créature, elle fait écho à « Splice » voir à « La mutante ». Pour l’originalité on repassera. Ça reste tout à fait regardable. Mais rien de nouveau sous la mer.

Trop rares sont les documentaires en festivals, aussi parce qu’ils en existent peu me diraient vous. Certes. Mais « 78/52 » vaut absolument le détour. Il s’intéresse à « Psychose » de Hitchcock, et plus particulièrement à la fameuse scène de la douche et ses 78 plans pour 52 secondes qui ont changé l’histoire du cinéma d’horreur à jamais. Le réalisateur suisse Alexandre O. Philippe est allé recueillir les interviews de moults réalisateurs, acteurs, monteurs et critiques de cinéma au sujet de ce film et de la scène de meurtre la plus connue du septième art. On croise donc Guillermo del Toro, Danny Elfman, Bret Easton Ellis, Mick Garris, Elijah Wood, Jamie Lee Curtis, Richard Stanley…. Tous les témoignages ne sont pas aussi intéressants les uns que les autres mais globalement le film se révèle fascinant, notamment lorsque l’aspect purement technique est analysé par le monteur historique de Coppola, Walter Murch ; lorsqu’est évoqué l’inoubliable partition de Bernard Hermann qui glace le sang à chaque coup de couteau, ou lorsque Eli Roth replace le film dans le contexte de la société américaine de l’époque. Il serait vain de raconter les anecdotes qui émaillent ce documentaire car ce serait déflorer ce qui fait son charme, mais « 78/52 » est un admirable travail obsessionnel sur un des films fondateurs du cinéma horrifique. Passionnant.

Janet Leigh in Pyscho, 1960. (Everett Collection)

Oh tiens, un pâté lorrain…

Et survint l’un des moments les plus attendus du festival, la projection de « Revenge » de Coralie Fargeat. Coup de poing dans la gueule… Ce rape & revenge made in France est un hallucinant concentré de badasserie et de violence. En ces temps de #metoo et autre #balancetonporc, il est hors de question pour moi d’aborder le débat sur le supposé féminisme ou au contraire la supposée misogynie du film. Ce débat éternel est inhérent au genre qu’est le rape & revenge et l’ambiguïté d’un tel film est précisément ce qui en fait l’intérêt, cela crée l’inconfort et suscite des émotions contradictoires chez le spectateur. Et c’est exactement ce qu’arrive à faire Coralie Fargeat avec cette première œuvre aboutie. La réalisation est clinquante et nerveuse, parfois à outrance diront les grincheux qui ont haï le « Tueurs nés » d’Oliver Stone. La violence fait très mal, le gore est bien présent, les séquences de bravoure s’enchainent sans temps mort. Et que d’idées de mise en scène et de gimmick bien sentis. Mention spéciale à la cautérisation qui entraine la naissance de la vengeresse à la scarification involontaire mais tellement badass. L’actrice Matilda Lutz a fait tourner plus d’une tête dans la salle, et sa contrepartie masculine Kevin Janssens joue le chasseur macho violent à merveille. Alors oui le scenario ne casse pas trois pattes à un canard (et hop je l’ai placée), mais ce n’est pas le sujet. « Revenge » c’est du cinéma de série B sensoriel extrêmement efficace, avec une utilisation de la géographie des décors hyper maitrisée, notamment lors de la scène finale dans la villa. Et puis avouons-le, c’est vraiment cool de voir un film où le sosie de Cyril Hanouna meurt violemment après une éprouvante chasse à l’homme dans le désert. Touche pas à mon gore.

Ce samedi après-midi est placé sous le signe de la violence, puisque j’enchaine avec « Downrange » de Ryuhey Kitamura, qui a réalisé « Midnight meat train », « Versus » ou encore « No one lives ». Un véritable poète… On ne tournera pas autour du pot, « Downrange » c’est con mais c’est bon. Cinq jeunes adultes qui font du carpooling sont pris pour cible par un mystérieux sniper au milieu d’une route peu fréquentée. Alors non ça ne joue pas bien, oui les réactions des personnages sont parfois complètement débilos, mais qu’est-ce qu’on rigole. C’est un pur plaisir coupable décomplexé. Plus c’est invraisemblable mieux c’est ce que semble nous dire le réalisateur, surtout quand cela permet des scènes d’actions bien violentes et fun. Une heure trente qui s’achève en apothéose par une pirouette final à l’humour très noir qui a déclenché un tonnerre d’applaudissements.

Je vous ai déjà dit que j’aimais le fromage fondu ?

Il est 23h et tout le monde est chaud bouillant pour découvrir le grand favori du festival, « Ghostland » de Pascal Laugier avec la rousse la plus connue de l’hexagone, Fauve Hautot (cette blague marche aussi avec Yvette Horner pour les lecteurs du troisième âge comme moi). Bref c’est le retour au cinéma de Mylène Farmer. Il y aura pas mal de choses à dire sur ce film et cela fera très certainement l’objet d’un article à part entière sur le site lorsqu’il sortira en salle le 14 mars. Pour ma part, je me suis un peu ennuyé devant cette péloche fantastique qui oscille entre film de spectres et drame familiale psychologique. Tout en reconnaissant des qualités formelles indéniables au film de Laugier, je ne peux m’empêcher d’esquisser quelques bâillements devant un métrage qui est bien inoffensif au final. L’époque du viscéral « Martyrs » est définitivement loin pour son réalisateur qui depuis « The Secret » semble se tourner d’avantage vers un cinéma plus sage et convenu. Pascal Laugier continue d’explorer des thèmes récurrents tout au long de sa carrière comme la famille brisée ou la zone grise entre fantasme et réalité, et « Ghostland » est une nouvelle occasion pour lui de présenter des personnages féminins forts sans jamais être manichéens.

Mylène m’a tuer. Je ne suis pas en état de m’envoyer la nuit Hellraiser, et j’opte pour quelques dernières bières nocturnes partagées entre camarades de festival.

DAY 5

La dernière ligne droite, l’organisme commence à ramasser sévère mais on est là, jamais rassasié comme un putain de zombie. OHLALA mais quelle transition, puisqu’on démarre la journée par le projection en compétition de « Les affamés » de Robin Aubert, un film de morts-vivants venu du pays des caribous. Tabernacle de bon film que ce deuxième long-métrage de zombies en langue française (ou presque, il y a des sous-titres, qui se révèlent parfois indispensables). Assez classique dans son intrigue, on y suit un groupe de survivants qui sillonne une forêt peuplée de non-morts, « Les affamés » affiche d’emblée son originalité avec ses personnages aux antipodes de ceux croisés dans les productions grand public. Pas de bimbo qui hurle à chaque jump scare, pas de héros viril et baraqué. Non ici les « héros » sont des gens normaux, de tout âge, couleur et sexe, tous un peu paumés face à une situation extraordinaire. C’est réellement une sensation de mélancolie douce-amère qui se dégage de ce beau film aux accents poétiques. L’important n’y est pas de montrer le festin carnassier de morts vivants mais plutôt l’errance et les trajectoires de ces gens qui doivent s’unir parfois malgré eux pour faire face à une menace. Doté d’un humour très particulier (ah ces blagues de mecs qui vont chez le docteur…), le film opte pour un prisme réaliste et contemplatif sans jamais être ennuyeux, naviguant entre le road movie à pieds et le survival. Une étonnante découverte qui rafle le prix du jury ex-aequo et devrait atterrir sur Netflix prochainement.

C’est l’heure du gouter, ça tombe bien puisque je suis devant l’énorme banane qu’est « Beyond skyline ». Oui c’est bien la suite dix ans après de « Skyline » des frères Strause. Cette fois c’est Liam O’Donnell aux commandes. Surtout n’oubliez pas de laisser votre cerveau au vestiaire pour apprécier de bon gros Z des familles. De la SF complétement gogole, avec des bestioles plutôt réussies ceci dit, et un Frank Grillo bodybuildé en guise de héros. Un pur nanar où se croisent martiens, robots, trafiquants de drogue asiatiques donc experts en arts martiaux (pauvre Iko Uwais de « The Raid » qui doit avoir besoin de pognon pour cachetonner ici), scientifique hippie et un enfant humanoïde qui grandit à vitesse grand V. Du grand n’importe quoi assumé. Il en faut toujours un en festival, il était bien salé… standing ovation.

Malheureusement les choses vont très vite se gâter. Déjà, il n’y av plus de pâté lorrain à la boulangerie. Mais surtout je me retrouve à m’infligepourtant auteur du prometteur « Baskin » en 2015. Ce cauchemar éveillé, pour l’héroïne autant que le spectateur, est une bouillie indigeste de références à Dario Argento, Clive Barker et Lovecraft. Impossible de se laisser porter par le casting le plus dégueulasse du festival. Ça joue tellement mal que l’on se croirait devant « The Room » de Tommy Wiseau. Et on ne rattrape pas un film en mettant sa fort jolie héroïne à poil (si ?). Cette histoire sans queue ni tête de secte qui manipule les rêves est aussi fatigante que laide visuellement. Et le grotesque final plein de tentacules a provoqué les rires gênés de l’intégralité de la salle. Mais que venait faire cette daube en compétition ?

Encore sous le coup de la déception, je me dirige fébrilement vers la projection de « Mutafukaz », un animé façon manga de Guillaume « Run » Renard et Shojiro Nishimi. Le film démarre, un sentiment étrange m’envahit. Dès le départ, le doublage abominable d’Orelsan écorche les oreilles. Pourquoi les dialogues tombent-ils systématiquement à plat ? Pourquoi ce manque de rythme constant ? qu’ont-ils essayé de faire ? Entre manga, parodie de film de gangsters façon GTA du pauvre et mauvais épisodes des Lascars, « Mutafukaz » rate tout ce qu’il entreprend (sauf la BO de mon gars sur Toxic Avenger). Ça se veut fun, jeune et explosif. C’est con, lourdaud, et soporifique au possible. Le comble du comble ? le réalisateur se permet des inserts « Vous n’avez jamais vu ça au cinéma ! » pendant son propre film. Il n’a pas tort, mais on aurait aimé ne jamais voir « ça » justement.

J’accuse le coup. Une ou deux kwaks plus tard, je file voir « Mayhem » de Joe Lynch que j’aime bien car il a fait ce bon gros Z gore et rigolard qu’est « Détour mortel 2 ». Porté par Steven Yeun de la série Lost, « Mayhem » est à n’en pas douter un film sans prétention mais fait un par un mec qui aime son métier. Ce jeu de massacre en entreprise se révèle jouissif du début à la fin. Mis en quarantaine car contaminés par un virus qui libère toute pulsion violente et/ou sexuelle, les salariés d’une grande banque d’affaires vont s’affronter pendant plusieurs heures et on suit le parcours de Derek qui refuse de se faire virer après que sa hiérarchie le désigne comme bouc émissaire dans la mauvaise gestion d’un gros dossier. Un peu à la façon de « The Raid », notre vengeur en costard accompagné de la ravissante Samara Weaving va gravir les étages de son building en tuant tout ce qui bouge pour finalement affronter le boss final, son patron cocaïnomane. Rythmé par une super bande originale de Steve Moore, « Mayhem » est un film bourrin jamais prétentieux qui enchaine les scènes de carnage entre collègues avec un humour noir corrosif. Une série B de qualité dont on se rappelle lorsque l’on retourne au bureau le lundi matin.

Alors que mon fromage fond, j’apprends sans surprise que « Ghostland » rafle la majeure partie des prix de cette vingt-cinquième édition à la sélection variée et globalement satisfaisante. Une constante pour ce chouette festoche que je ne peux que vous encourager à découvrir. En 2019 je fêterai ma quatorzième participation, avec des bougies sur la raclette. Venez, on va se marrer.

Samuel Walter

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