Interview réalisée par Allociné.fr
A l’affiche cette semaine du film fantastique “Djinns” de Sandra et Hugues Martin, Saïd Taghmaoui nous parle de son rôle, de sa carrière et de “La Haine”, le film qui l’a révélé, il y a 15 ans déjà…
Allociné : Saviez-vous ce qu’étaient les Djinns avant de tourner dans le film ?
Saïd Taghmaoui : Etant de culture marocaine je connaissais les Djinns. C’est le diable… Quand t’es môme on te raconte ces histoires de djinns, c’est un peu l’équivalent du grand méchant loup. Mais là-bas ça a une connotation beaucoup plus forte parce que la foi est plus importante, du coup on y croit beaucoup plus. Il y a toujours eu des légendes qui ont circulé dessus et qui hantent l’Arabie depuis des siècles. C’est un sujet fort, assez fort pour en faire un film en tout cas.
Allociné : “Djinns” mélange film de guerre et film fantastique. Qu’est ce qui vous a le plus attiré dans le scénario ?
Saïd Taghmaoui : C’est le scénario lui-même qui m’a intéressé. Tout le monde me demande « Pourquoi tu as joué dans ce film ? ». Les gens semblent surpris, alors qu’il n’y a aucune raison. Quand il y a de la qualité, il y a de la qualité…
Le scénario était vachement bien et le casting était intéressant. J’ai trouvé qu’il y avait une vraie cohérence. C’était de vrais acteurs, pas des comiques qui font des films…
C’est pas un «coup»… Il y a beaucoup de «coup» dans le cinéma aujourd’hui. J’aimerais bien voir plus d’acteurs qui ont vraiment galéré au cinéma.
Il y a plein de comiques qui se mettent au cinéma et qui font plein de films d’un coup… Y’a pas de problème, ça a toujours existé, comme Pierre Richard à l’époque. Mais avant il y avait Pierre Richard et Alain Delon. Aujourd’hui il n’y a plus d’Alain Delon ni de Jean Gabin, il n’y a que des comiques.
Et je trouve ça un peu chiant pour la légende du cinéma et pour tous les jeunes qui rêvaient. Maintenant on ne rêve plus on rigole. Rira bien qui rira le dernier…
Enfin, il y a bien quelques acteurs qui se démarquent, mais on ne leur accorde pas le même crédit que celui qu’on accorde aux comiques qui vont faire tant d’entrées et qui ensuite seront jetés. Alors que pour le coup, ces acteurs, ce sont des «valeurs sûres».
Aujourd’hui on est que dans les «coups»… Tout ce qui compte c’est les entrées et le Box office. C’est quand même incroyable ! Les stars de cinéma en France aujourd’hui ce ne sont plus que des comiques ou des gens de télé… Personnellement je trouve que c’est un métier difficile donc il faut tout faire pour survivre en préservant ses valeurs, son éthique,… Sinon tu bouffes à tous les râteliers et du coup t’as plus d’épaisseur. Ça ne me dérange pas que tous ces comiques existent, mais j’aurais bien aimé que les autres aussi existent un peu. C’est ça le problème du cinéma français aujourd’hui ! Il n’y a plus d’équilibre, et c’est un peu dommage…
Allociné : “Djinns” parle de la guerre d’Algérie sous l’angle du fantastique. C’est la première fois que ce sujet est abordé sous cet angle au cinéma…
Saïd Taghmaoui : C’est ça qui m’a plu ! Ce qui m’a le plus intéressé dans Djinnsc’est que c’est un film de genre certes, mais également un film de guerre avec tous les codes du genre et ça va ensuite se transformer en film de fiction. Comme les dates de tournage correspondaient à mon planning principal, j’ai accepté de jouer dans le film. En plus ça m’a permis de refaire un film français.
Et puis la guerre d’Algérie c’est un sujet intéressant. J’ai d’ailleurs participé à un documentaire réalisé par Daniel Costelle et Isabelle Clarke, les créateurs d’Apocalypse – La 2ème Guerre Mondiale, un docu sur le seconde guerre mondiale, qui a été un vrai carton. On a travaillé ensemble sur La Blessure, la tragédie des Harkis, un documentaire sur la guerre d’Algérie qui sortira en DVD fin septembre. Mais Djinns c’est vraiment un film de divertissement, on n’est pas du tout dans une démarche de dénonciation ou autre.
Allocine : Cette année on fête les 15 ans de “La Haine” justement. C’est le film qui vous a révélé au grand public. Vous pouvez nous parler de ce film et nous dire ce qu’il a changé dans votre vie ? Les résonances qu’il a encore aujourd’hui dans votre carrière ?
Saïd Taghmaoui : 15 ans déjà ? Ça passe vite ! C’est un film culte, qui ne vieillira pas… Il a marqué les esprits. La Haine est une sorte de photographie de la France à un moment donné. Ça restera un film de référence sur la façon dont on parlait, dont on s’habillait, sur la culture… A l’époque il n’y avait pas de portable, c’est une vraie transition avec aujourd’hui. C’est un film charnière qui a été un véritable carton dans le monde. J’ai fait un film qui restera jusqu’à la fin de ma vie, et qui sera encore une référence après. Donc quelque part je peux m’arrêter de faire du cinéma. (rires)
Plus sérieusement c’est important de faire un film qui a marqué le cinéma. La Haine restera pour moi une belle aventure. Dommage que la réalité soit plus compliquée… On était trois et au final, j’ai dû partir pour continuer à avoir des rôles, Hubert Koundé a presque disparu, il n’y a que Vincent Cassel qui a eu une carrière en France après ce film. La France est très complexe…
Un film qu’on ne peut pas oublier !!! ni ma petite fille angeline !