Après “Le passage”, gros carton à sa sortie au cinéma en 1986 mais completement oublié aujourd’hui, “3615 code père noël” est le second long métrage de René Manzort, produit par son frère Francis Lalane, mis en musique par son autre frère Jean Felix, et interpreté par son fils Alain Mussy. Si le fait de savoir Francis Lalane mettre de l’argent dans une production horrifique peut prêter à sourire, c’est sans compter sur le talent de metteur en scène et de scénariste de René Manzort, qui nous offre l’un des meilleurs films de genre Français jamais fait, rien que ça.
Aux premiers abords, “3615 code père noël” peut être vu comme un home invasion des plus classiques : un psychopate, une victime, une seule unité de lieux et de temps. Mais Manzort va apporter une dimension psychologique au récit, et c’est de là que tient une bonne partie de la réussite du film. L’histoire est celle de Thomas, 9 ans. Enfant surdoué, génie de l’informatique, débrouillard au point de réparer la voiture de sa mère. Cependant Thomas reste un enfant, adule les action heroes des années 80, joue à la guerre avec son chien et son grand père, et croit encore aux créatures mythologiques et au Père Noël. C’est par l’intermédiare du minitel qu’il fait connaissance d’un homme qui se présente comme le Père Noël. Cet homme dont on ne saura rien apprend par hasard l’adresse du garçon, et va lui faire vivre une nuit cauchemardesque d’ou il ne reviendra pas indemne.
En confrontant Thomas à l’une de ses dernières croyances enfantines, René Manzort fait de “3615 code père noël” un récit sur la perte de l’innocence et de l’enfance, qui peux se résumer en une scène, celle de la rencontre du garçon et du psychopathe. D’abord féerique, avec ces lumières qui illuminent la descente du Père Noël par la cheminée représantant l’emerveillement de Thomas, la scène prend une autre tournure dès que l’homme abat froidement son chien. Une rupture de ton d’une puissance graphique et psychologique rare, où le terme “basculer dans l’horreur” prend tout son sens.
Cette fin de l’enfance est également représentée par les jouets, que Thomas utilise comme tels dans la première partie du film, qu’il transformera en armes dans la seconde afin de défendre son grand père et lui même face aux assauts du meutrier. Là encore Manzort utilise la rupture de ton entre les deux parties distincte du film pour représenter la perte de l’inocence par une scène émouvante dans laquelle Thomas fait face a la perte d’un être cher, et ne jurera que par la vengeance. Toute cette dimension psychologique, le réalisateur la represente également par sa mise en scène, plusieurs plans sont remplis de symbôles tel que ce plan aérien dans un labyrinthe qui revèle que le sol est une peinture du visage de Thomas, représentant son état psychologique, ou encore cette caméra qui tourne autour de deux figurines : un Père Noël et ce qui semble être Peter Pan, celui qui refuse de grandir.
Si “3615 code père noël” est une réussite sur le plan psychologique, il l’est tout autant dans l’horreur. Des scènes à la tension et au suspense très présents ( la scène du train), parfois flippant ( l’issue d’une partie de cache cache), à la réalisation inspirée. Chaque plan est travaillé, tenant parfois de Sam Raimi dans la manière de cadrer de travers, filmer à hauteur d’enfant et utilisant des effets de mise en scène afin de représenter le point de vue des personnages.
Coté casting, si on salue la présence de Brigitte Fossay, c’est Alain Mussy ( qui bosse aujourd’hui pour ILM, sur des films comme Avatar, Avengers et autres blockbusters) et le regretté Patrick Floersheim ( doubleur officiel de Kurt Russel) qui bouffent l’écran. Le premier est incroyable dans son rôle d’enfant qui remet en question ses croyances et convictions, le second dans son rôle de psychopathe duquel il fait ressortir une certaine empathie.
Si l’on notera quelques incohérences vraiment mineures, “3615 code père noël” peut être vu comme un chef d’oeuvre du cinéma de genre Français qui réussi tout ce qu’il entreprent. D’une richesse thématique hallucinante, il est servi par une mise en scène intelligente et des plus efficaces. C’est non seulement un home invasion réussi mais également un drame psychologique remarquable. Des qualités qui n’ont pas empeché le film de sombrer injustement dans l’oubli, jamais réedité depuis sa sortie en vhs au début des années 90, avant une resurrection inesperée en bluray en 2017.
Quand à René Manzort, après avoir galéré pour distribuer son film en France ( tourné en 1988, sorti en 1990), c’est Hollywood qui lui ouvre ses portes, avec un projet de remake de son film, qui tombera à l’eau suite au triomphe de Maman j’ai raté l’avion, qui, même si il faut reconnaitre une légère similitude, n’a strictment rien à voir avec “3615 code père noël”.