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A Girl Walks Home Alone at Night

Affiche du film "A Girl Walks Home Alone at Night"

© 2014 Black Light District − Tous droits réservés.

Après “Eternal Sunshine of the Spotless Mind” (Michel Gondry, 2004) et “The Incredibly Strange Creatures Who Stopped Living and Became Mixed-Up Zombies” (Ray Dennis Steckler, 1964), ressortez votre meilleur accent anglais et votre sens de la prononciation grâce à “A Girl Walks Home Alone at Night”, titre qui vous fera regretter d’avoir choisi latin première langue au collège. Outre ce challenge d’élocution, le premier long-métrage d’Ana Lily Amirpour vous offrira, sous ses allures d’ovni arty, un beau moment de divertissement.

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Choisissez toutefois le créneau opportun pour le visionnage et évitez de vous y plonger pour combler votre besoin hebdomadaire (ou quotidien pour les plus assidus) d’explosion apocalyptique, de zombies qui courent très vite, ou d’araignées radioactives. Dans ce conte poétique qui oscille entre douce morosité et situations improbables, le rythme est calme, l’esthétique éthérée, ce qui permet à la photographie en noir et blanc d’étirer ses tentacules et d’imposer son style, en toute intimité.

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“A Girl Walks Home Alone at Night” voit le jour grâce à Ana Lily Amirpour, une réalisatrice britannique d’origine iranienne jusqu’alors prolifique dans le milieu du court-métrage. Ce film est justement adapté de l’un de ses 8 courts sorti en 2012 sous le même nom et primé au Festival de Los Angeles. Tournée en Californie, cette version longue (produite entre autre par Elijah Wood qui, quand il ne joue pas dans des films en noir et blanc se passant à Sin City, soutient donc des films en noir et blanc se passant à Bad City), est sélectionnée dans une vingtaine de festivals à travers le monde, remportant plusieurs récompenses dont le Prix de la Révélation Carter au Festival de Deauville en 2014.

© 2014 Black Light District − Tous droits réservés.

L’on y suit le quotidien d’une poignée d’individus (un dealer, une prostituée, un travesti, un père, un enfant des rues) naviguant dans les méandres d’une vie qui semble sans lendemain. Bien humains, ils n’en incarnent pas moins les facettes du mal, usant tour à tour de drogue, viol, vol, mensonge  et autres vices, rendant la seule figure fantastique de l’histoire (une vampire) bien plus angélique que le commun des mortels. Mystérieuse solitaire, la jeune femme semble suivre son code moral sans trop de difficultés, ne se repaissant que des plus odieux personnages et prenant sous son aile les plus faibles ou bien intentionnés. Jouant parfois avec sa nourriture, La Fille – charismatique Sheila Vand – dévoile alors sous ses airs mutins une sauvage férocité.

© 2014 Black Light District − Tous droits réservés.

On ne peut faire la sourde oreille à la mélodie féministe que fredonne cette histoire. La mise en lumière d’une héroïne de l’ombre qui, à la fois surpuissante et discrète, transforme son tchador en cape inquiétante (rappelant à la fois celle du vampire et du justicier), inverse les rôles habituels de dominant/dominé. Celle à qui le monde dicte sans cesse la place qu’elle se doit de prendre, cache ici en son sein un pouvoir décuplé. Alors oui, il y a une forme de jouissance à voir à l’écran une jeune femme redoutable qui n’a rien à prouver et peut si elle le veut, lâcher les chiens, écouter son instinct et puis tout dévorer.

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Au-delà de l’aspect politique et de la question du voile, celle de la puissance féminine résonne dans un rayon plus large, pour notre plus grand bien.
Bercés par une bande-son rock aux accents western ou arabisants (Kiosk, Federale, Radio Teheran, Free Electric Band, White Lies), on se laisse balader dans des plans travaillés où volettent les essences de David Lynch et de Sergio Leone. Mention spéciale au directeur de la photographie Lyle Vincent, qui offre un magnifique écrin à l’histoire en sublimant chaque instant. Les situations parlent souvent pour les personnages, permettant une économie de dialogues, des tensions, une place pour l’imaginaire. Ce parti pris de grande retenue ambiante pourra en agacer certains, démanger si on a bu trop de café ou endormir si on n’en a pas bu assez; le mieux est donc de regarder ce film PENDANT le petit déjeuner. Dans tous les cas, ce métrage est un voyage à faire, un joli tableau à voir, une tendre fable à se faire conter. Alors détendez-vous, laissez-vous porter, embarquez aux côtés de cette curieuse Girl qui Walks Home Alone at Night et qui, si elle ne vous croque pas, vous fera peut-être craquer.

Par Cécile Métral

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