Inspiré de faits réels, Amityville La Maison du Diable, réalisé par Stuart Rosenberg en 1976, aura fait date dans le cinéma d’épouvante. De nombreuses suites auront vu le jour, hissant malheureusement la saga à un niveau déplorable. Car effectivement, entre DTV minables (Amityville Darkforce, La Maison de poupées) et relectures foireuses (le remake de Andrew Douglas et l’essai found footage par Asylum), la plus célèbre des maisons hantées n’aura pas eu droit à beaucoup de considération… En attendant le prochain (et dernier ?) volet attendu pour la fin de l’année intitulé The Awakening, retour sur la rare suite qui à ce jour mérite le détour, j’ai nommé Amityville II, le Possédé.
Tommy Lee Wallace. Si ce nom vous dit quelque chose c’est normal puisqu’il s’agit de l’homme responsable de votre allergie aux clowns. Avant d’adapter le terrifiant Ça de Stephen King pour la télévision, il officie donc en tant que scénariste sur Amityville II le Possédé porté à l’écran par l’italien Damiano Damiani. Si les suites sont bien souvent en deçà de l’œuvre originale, force est de constater que celle-ci fait figure d’exception. En effet, même si l’ensemble n’est pas exempt de défauts, cet opus se hisse aisément en première place, tant le film surestimé de Rosenberg a pris un coup de vieux considérable.
Avant toute chose, il est bon de préciser que nous sommes ici face à une préquelle. Les événements se déroulent bien avant l’arrivée de la famille Lutz et s’inspirent, librement nous en conviendrons, des meurtres sauvages perpétrés au sein d’une banlieue paisible. Pour la petite histoire, le 13 novembre 1974, Ronald Defeo Jr. abat froidement en pleine nuit tous les membres de sa famille avec un fusil de chasse. Il prétendra avoir agi sous les ordres de la maison occupée par Satan. C’est cette histoire qu’Amityville II choisit de raconter.
Le ton est rapidement donné : du sang coule des éviers, certains objets se déplacent tout seuls, et la cave semble renfermer une présence pas très amicale… Et tout cela semble s’intensifier au fur et à mesure que l’ambiance familiale se détériore. Car les Montelli sont loin d’incarner la famille idéale : le père, incarné par Burt Young (Rocky) est un homme violent et alcoolique qui fait régner la terreur au quotidien, martyrisant femme et enfants. La communication est ainsi particulièrement difficile avec Sonny, un adolescent renfermé et fragile, choix de prestige pour l’entité démoniaque qui hante la bâtisse afin de faire régner le chaos. Les phénomènes paranormaux ne feront que précipiter la chute de cette cellule familiale déséquilibrée, portrait peu flatteur de l’American way of life. Si habituellement le malheur s’abat sur un groupe uni (Poltergeist de Tobe Hooper, et plus récemment Conjuring, les dossiers Warren de James Wan), ici ce dernier est déjà déconstruit et la demeure maudite ne sera finalement que le théâtre mettant en scène sa dissolution définitive.
La première partie, de l’installation dans la maison jusqu’à l’effroyable massacre, est sans aucun doute la meilleure. Damiano Damiani, en plus de reprendre les codes du genre tout en soignant sa réalisation, convoque habilement les prouesses techniques de Sam Raimi sur Evil Dead et ose parfois avec Franco Di Giacomo, son chef opérateur, une photographie baroque directement empruntée au giallo. Il est intéressant de noter que si le giallo a déjà été pratiqué par le réalisateur, citons The Warning (1980), l’un des scénaristes non crédité du film, Dardano Sacchetti, a précédemment collaboré avec Mario Bava, Lucio Fulci et Dario Argento ! Il serait dommage de considérer Amityville II comme un petit film d’horreur anodin perdu au milieu d’une saga insipide. Car c’est effectivement le seul chapitre qui parvient à imposer une véritable identité avec de sérieuses volontés de mise en scène.
Bien plus radical que son prédécesseur, Amityville II ne craint pas de bousculer la bonne morale en évoquant des sujets tabous tels que la violence intra-familiale, comme énoncée plus haut, mais aussi l’inceste. Sonny et sa sœur sont dès le début engagés dans des rapports certes très fraternels mais néanmoins assez troubles. Il faudra attendre que le jeune homme soit sous l’emprise du malin pour que leur relation soit consommée. Portrait d’une famille en manque de repères, vouée à l’autodestruction, le film de Damiano Damiani raconte bien plus qu’une histoire de maison hantée. C’est l’histoire d’un groupe confronté à sa propre violence et qui progressivement en viendra à provoquer son inévitable chute. La dimension fantastique n’est ici qu’un prétexte pour illustrer l’implosion dramatique de cette famille. Une fois la tuerie passée, grande séquence d’épouvante flippante à souhait, le film se poursuit avec une deuxième partie un peu moins enthousiasmante.
On sort du cadre de la maison pour suivre le combat du père Adamsky voulant à tout prix convaincre les autorités que Sonny n’est pas responsable des actes qu’il a commis puisque sous l’emprise du diable. Ainsi, ce deuxième acte s’apparente à un épisode déguisé de L’Exorciste avec ce qu’il faut de voix sataniques, de transformations physiques peu ragoûtantes et d’incantations religieuses. Une ambiance qui contraste avec ce qui précède et s’avère un peu faiblarde en comparaison. Néanmoins, mention aux maquillages qui achèvent de rendre la performance de Jack Magner plutôt impressionnante. Linda Blair n’a qu’à bien se tenir !
Si le final aurait mérité un traitement moins grand-guignolesque (ouch ce visage du diable en plastique !), rien qui ne viendrait gâcher la qualité globale du métrage. Nous sommes bel et bien face à une suite beaucoup plus ambitieuse et efficace que l’œuvre originale, une vraie proposition dont les efforts seront tristement abandonnés dès l’épisode suivant, le pitoyable Amityville 3D.