Battle Royale est un long métrage, adapté par son romancier Fukasaku, qui a fait couler beaucoup d’encre, mais surtout, qui divise singulièrement l’opinion. Déjà, le roman sorti en 1999 avait fait l’objet de censure et n’avait pas été pour le mieux reçu. Le manga qui en a découlé quant à lui, met l’accent sur la violence et une certaine sexualité juvénile. Mais qu’en est-il du film ?
Sortie en 2000, Battle Royale annonce la couleur avec une introduction salement vicieuse. Nombre de journaliste se jettent sur la survivante du Battle Royal, une fillette âgée tout au plus d’une dizaine d’année, couverte de sang et au sourire évocateur.
Ce film apparait alors comme la cristallisation de la violence adolescente, dans un Japon où ils prennent trop d’aises. Manquant de cadre et d’éducation, il se retrouve alors confronté au plus ancestral des enseignements, la survie. Si nombre de critique ont regretté que Fukasaku s’attache plus aux élèves qu’à la situation déplorable de la société japonaise dans cet avenir alternatif, il faut pourtant dire que le point de vue interne du ‘jeu’ est tout l’attrait de l’histoire. Comment comprendre les injustices d’une société qui s’autodétruit, si ce n’est au travers de ceux qui en pâtissent ? Au contraire, la perte totale de contrôle d’un monde qui part à la dérive se ressent dans la volonté de tout cadrer et de faire plus que des élèves, mais des esclaves.
Le manque d’autorité semble alors avoir abouti à une explosion de maitrise de l’adolescent. On le voit clairement avec les règles mêmes du jeu. Les zones interdites, le collier à explosif, le fait qu’ils soient constamment sur écoute… Les adultes décident maintenant de tout, et bien plus, de la vie et de la mort de la majorité des ‘enfants’, et tout cela sans la moindre preuve de culpabilité. Le monde semble dirions-nous, blasé. On le remarque au travers du professeur Kitano et des rapports qu’il entretien avec sa famille qu’il a au téléphone. Les adultes ne semblent plus croire en rien si ce n’est en l’assouvissement des jeunes. Et même cela semble être pour aux amusant au début, mais ils finissent par s’en lasser.
J’ai également lu quelques avis comme quoi, ce massacre serait l’image de l’entrée dans la vie active, vers les écoles supérieures. Le tronçon de base de la classe implose pour qu’il n’en reste qu’un. Se serait alors l’image de la lutte pour accéder à des études supérieures, ou à un métier dans une société où il semble difficile de se créer une place. En effet, on peut le regarder de ce point de vue. Des alliances se créent, pour que certains s’entre-aide, et on remarque alors que la morale presque simpliste de FuKasaku semble avertir le spectateur : Pour survivre il faut s’en sortir seul.
Seul car les exemples que nous donnent Kazuo et Mitsuko sont flagrant. Ce sont des jeunes qui ont la rage de vaincre et qui veulent aller jusqu’au bout. Avec une arme des plus commune et disons inutile face à des armes à feu, Mitsuko, de par sa ruse et sa soif de réussite, survie à beaucoup de ses ‘camarades’. On regrettera d’ailleurs ce manque de verve chez le personnage principal, Shuya, qui ne fait finalement que profiter des situations qui s’offrent à lui. Les personnages semblent plus prendre soin de lui que d’eux même, et son air d’ingénue irrite fortement. Opportuniste, il ne se tâche guère les mains, et lorsqu’il se retrouve face à un de ses camarades, celui-ci meurt par accident. Est-ce alors un hymne à la non-violence qui prônerait la vertu d’un élève qui ne veut pas entrer dans un système à ce point inconcevablement ‘gore’ ?
Il ne semble pas vraiment que ce soit le cas. Car il faut bien le dire, Battle Royal est un festival de sadisme et d’hémoglobine. A la limite du projet ‘Saw’, le professeur Kitano joue de ses élèves comme Jigsaw s’amuse de ses pantins. Un monde de violence pour un film à la frontière de l’horreur. Je dis bien à la frontière, car si le thème dérange, le visuel et la mise en scène rend toutefois l’idée plus acceptable, et tente même parfois le sourire du spectateur.
Déjà, du fait de l’omniprésence de sentiment qui n’ont pas vraiment leur place. Trop souvent les personnages parlent entre eux d’amour. Les langues se délient, les secrets s’avouent, mais est-vraiment le moment ? Souvent, une fois que les personnages tiennent fermement la main de la mort, il avoue leur amour longtemps caché. Est-ce alors une façon de montrer qu’adolescent nous n’avons que des désirs et des pensées futiles ? Car dans un jeu tel que celui-ci, il semble plus important d’assurer sa survie que de penser à l’amour transi. Il est donc dans un sens difficile de s’immiscer dans un film qui tend à l’eau de rose. Cela peut peut-être donner un certain équilibre, et offre à voir au spectateur qu’il y a tout de même un peu d’amour dans un monde si cruel.
Si on ne connait que peu le cinéma asiatique il faut également s’accrocher au jeu particulier des acteurs, car il faut bien le dire, ces adolescents ont une façon particulière de mourir ! Quelque peu sur-jouée, la mort tombe dans un humour noir, et si quelques scènes nous font doucement sourire, il n’en reste pas moins que c’est un rire jaune. Certaines autres scènes également, comme la dernière apparition du professeur Kitano semble assez particulière et il est ainsi ardu de distinguer le sérieux du comique. Car un homme qui meurt deux fois, on ne voit pas cela tous les jours !
Critique de la société, dénonciation d’une violence qui se veut plus répandue, à la limite entre l’humour et la critique sociale, Fukasaku, signe avec talent un film qui attaque sérieusement le spectateur de par le principe totalement décalé mais surtout horrifique. Un survival de gout, avec malgré tout une fin un peu décevante. A la limite du mielleux, le couple innocent s’en sort et Kawada, comprend comme par magie le message de sa défunte amie et la rejoint dans l’au-delà. Une sorte de tout est bien qui finit bien, où tous les meurtriers en ont eu pour leur compte. Bref, un message qui laisse le spectateur sur sa faim du fait qu’il semble trop improbable par rapport à la cruauté du film.
Malgré tout, Battle Royal est un de ces rares films où on prend entièrement part au sadisme, avec la question récurrente de savoir ce que nous ferions à la place des héros. Qu’on aime ou non, il ne laisse pas de marbre, et tant visuellement que moralement, il grave ses séquelles.