- « Hey c’est tout pourri ton film là ! On voit que dalle et il se passe rien ! »
- « Mais non t’as rien compris, c’est le truc le plus flippant que j’ai jamais vu de ma vie ! »
Ces deux phrases résument à peu de choses près les conversations qui avaient lieu à la sortie du film événement Le projet Blair Witch en 1999. Shooté en vue subjective avec une qualité d’image proche de la VHS, et dépourvu de tout effet spécial, c’est non seulement le métrage ayant démocratisé le style cinématographique du found footage qui comme son nom l’indique est un faux documentaire filmé par des amateurs, mais il est encore aujourd’hui un des films les plus rentables de tous les temps puisqu’avec un budget de 30 000 $ il a remporté 250 Millions de $ au box-office… Cependant en faire une suite/remake 17 ans plus tard est un pari risqué tant le genre abordé est intrinsèquement clivant et, soyons honnête, un peu passé de mode.
Réelle suite chronologique du premier opus faisant fi de l’incroyablement raté Blair Witch 2 : le livre des ombres (2000), le film a pour personnage principal James, parti dans la fameuse forêt de Burkittsville à la recherche de sa sœur disparue Heather, l’héroïne du premier Blair Witch. Il est accompagné par Lisa, la « réalisatrice », et un couple d’amis désireux de l’aider. Ils seront vite rejoints par un duo de vidéastes amateurs férus d’occulte qui les guident vers le lieu maudit. Bien évidemment les ennuis vont commencer lorsqu’ils décident de camper dans la forêt de notre sorcière bien aimée. On assiste alors à un remake dénaturé du Projet Blair Witch. Là où le film de 1999 était intransigeant dans sa démarche, et ce au prix d’une lenteur immersive forcément sujet à controverse, Adam Wingard cède très vite à la facilité du jump scare. Il abuse de ce procédé pendant les deux derniers tiers du film qui confinent à l’hystérie, le rendant ainsi totalement inefficace après cinq ou six répétitions. Alors certes l’audience a changé depuis le XXe siècle et la manière de mettre la peur en scène a elle aussi heureusement évolué, pourtant non seulement ce Blair Witch est peu effrayant mais en plus il abandonne presque tout ce qui faisait la spécificité du film originel…
Même le principe de vue subjective unique est ici biaisé puisque les protagonistes portent tous au moins une caméra différente et que le film bénéficie d’un gros travail sur le montage, annihilant toute sensation de found footage à proprement parler. En revanche on a au moins autant mal au crâne qu’en 1999 à cause des mouvements de caméra ultra speed et des innombrables larsens, parasites et autres glitchs sensés donner un cachet réaliste à l’ensemble. Une autre différence notoire avec l’original est la disparition totale du hors champ. On est en 2016, il faut tout montrer, tout expliquer, au pauvre public faible d’esprit que nous sommes devenu à force d’ingurgiter du Paranormal Activity. On a donc quelques scènes un peu crades, des morts, des plaies purulentes, et surtout on nous montre la fameuse sorcière. Les fans de la première heure crieront à l’hérésie, et le reste des spectateurs aussi tant son design est honteusement pompé sur la créature du grenier que l’on voit dans le final de Rec., avec une silhouette aussi rachitique que l’est le scenario…
Blair Witch cuvée 2016 n’est donc ni le digne héritier de son illustre modèle, ni même un bon film d’horreur, malgré un très bon travail sur le son. Tout y est décevant, des réactions parfaitement débiles des personnages souvent antipathiques jusqu’au très prévisible rebondissement final, avec en prime une direction d’acteurs aux abonnés absents. Et c’est dommage que ce soit le doué Adam Wingard qui ait commis ce faux-pas après ses réussis You’re Next et The Guest. Les personnages nous préviennent pourtant dès le début du film : « Ne regardez pas la sorcière sinon vous allez mourir. »… ils auraient été sympa de préciser que ce serait d’ennui.