En vacances au Mexique, Ed, Henry et Phil, trois étudiants venus passer du bon temps avant d’entrer dans la vie active, tombent sur un groupuscule adepte de cultes sataniques…
A première vue, Borderland avait tout du bon petit survival bien gore comme on les aime, où des tennagers un brin débiles se font tous massacrer les uns après les autres par une horde d’adultes sadiques complètement détraqués dans un cadre inconnu propice à toutes les rencontres, même les plus cauchemardesques. Fort malheureusement, Borderland ne réussit jamais à nous embarquer dans son histoire de secte diabolique fan de sacrifices humains… Ceci est dû d’une part à ses interminables longueurs qui nous font l’effet d’une triple dose de Valium, et de l’autre à son manque évident de profondeur scénaristique qui nous ôte toute possibilité d’empathie avec les protagonistes.
Dommage, car l’on pouvait cependant remarquer un véritable effort esthétique sur l’image visant à nous infiltrer plus profondément au cœur d’une intrigue glauque et malsaine à souhait. En effet, grâce à un travail poussé sur les couleurs et le grain de la pellicule, l’image apparait légèrement jaunie voire même sépia à certains moments, terne et brute. Ces effets lui confèrent ainsi un aspect crade très old school qui rappelle la bonne vieille époque des années 70 où des films cultes dans le genre comme Massacre à la tronçonneuse de Tobe Hooper où encore La Dernière Maison sur la Gauche de Wes Craven ont pu voir le jour. Cette petite attention demeure certes très plaisante pour le spectateur fan de l’ambiance générale qui se dégage des films de cette période, mais, hélas, cela ne suffit pas à produire un bon film.
La principale erreur de jugement commise par Zev Berman (Briar Patch) et très certainement aussi par son collaborateur scénariste Eric Poppen (Clock Tower) est d’avoir tout déballé dès les premières minutes du film. La séquence d’introduction nous informe effectivement de tout ce qui va se passer par la suite, annihilant par la même occasion tout effet de suspense ou de surprise éventuels. A ce mauvais choix s’ajoute un manque de rythme fatal qui assure définitivement à Borderland son statut d’œuvre creuse et ennuyeuse au possible. En effet, le film est horriblement mou, on a l’impression qu’il ne se passe strictement rien et, au final, il nous tarde que le supplice se termine au plus vite. Ainsi, durant plus d’une heure quarante, les minutes qui s’écoulent avec une lenteur incroyable sont autant de poids qui viennent nous rapprocher toujours un peu plus d’un sommeil échappatoire.
En plus de cela, le scénario ne vole vraiment pas haut et les personnages sont tous affublés d’un comportement aussi stupide qu’incohérent (tiens, et si on se séparait ? Mais oui, quelle bonne idée !) tandis que les dialogues restent très clichés (« Ca te dirait de… tirer un coup ? ») et superficiels. En basant son intrigue sur une bande de trois copains accro au sexe et à la défonce qui partent pour le Mexique dans l’espoir de se taper quelques putes bon marché pour célébrer la fin de leur jeunesse, Zev Berman assumait parfaitement l’étrange ressemblance de son film avec un certain Hostel d’Eli Roth. Du coup, tout au long du film, le spectateur éprouve la désagréable sensation d’assister à un sous-Hostel, mais en bien moins original et percutant. Pas une seule seconde le sort de ces trois universitaires en recherche de débauche facile ne nous importe ne serait-ce qu’un minimum, puisque le processus identificatoire n’a jamais eu lieu. Résultat : on se fout royalement de savoir si celui-ci va finir en morceaux ou si celui-là va échapper à ses tortionnaires, car de toute façon toutes les actions sont prévisibles et aucun retournement de situation ne viendra booster le rythme de la narration.
Ce fait est d’autant plus dommage que les effets spéciaux signés Greg Nicotero et Robert Kurtzman, deux grands génies du gore, sont tout ce qu’il y a de plus réussi et agréable pour les yeux. Les scènes les plus gore sont légèrement crispantes (huuum l’énucléation…) mais, dans l’ensemble, le film fait pas mal appel à la suggestion grâce à quelques ellipses plutôt bien gérées. Même les gros méchants de l’histoire, une sorte de secte qui cherche à entrer en contact avec des âmes démoniaques, ne nous font aucun effet du fait de leur caractère caricatural. Certains sont même ridicules (le grand prêtre redouté par tous qui s’avère au final n’être qu’une espèce de playboy gominé aux tatouages minables) et contribuent à enfoncer un peu plus le film dans un magma incoercible de profonde vacuité.
Borderland est donc ce que l’on pourrait qualifier de film raté, inintéressant malgré ses quelques bonnes idées et ennuyeux de par l’usage répété de codes usés jusqu’à la corde et de concepts éculés qui laisseront indifférent le spectateur averti. Le film peut même se targuer d’être didactique, car il constitue une excellente illustration des pièges à éviter pour quiconque souhaiterait produire un film d’horreur efficace. Un film décevant donc, dont l’intérêt retombe aussi vite qu’un soufflé au fromage sorti du four…
Par Emmanuelle Ignacchiti