Il aura fallu près de 40 ans après la sortie de Shining, chef d’oeuvre incontournable de Stanley Kubrick, pour voir une suite sur grand écran. Le film de 1980 est en effet considéré pour beaucoup comme le meilleur film d’épouvante de tous les temps. Il s’agit biensûr d’une adaptation du roman éponyme de Stephen King, qui n’a pourtant pas ravi ce dernier : « Je ne comprends pas le culte autour de ce long-métrage […] Pleins de gens l’adorent, pas moi […] Disons que le livre est chaleureux, alors que le film est froid ».
Mais au delà de ce débat, donner suite à une oeuvre aussi culte que “Shining” relève de l’exploit. Un pari, à priori, impossible. Et l’accueil tièdasse de la sortie du roman “Doctor Sleep” en 2013 renforce bien cette appréhension : est-ce vraiment utile de donner une suite à cette histoire quand on sait qu’elle sera forcément décevante ? La réponse n’est pas si simple.
On y retrouve un petit Danny Torrance qui a bien grandi : il a aujourd’hui 40 ans. Il est devenu alcoolique. Et les démons frappent toujours à la porte. Dans cette suite, il use du “Shining”, son don extralucide, pour aider les personnes en fin de vie dans un hôpital. Il se croit seul jusqu’à l’arrivée d’une petite fille qui a le même pouvoir lumineux que lui. Que les fans de ce second roman soient rassurés : c’est Mike Flanagan qui est à la réalisation. Vous le connaissez forcément pour avoir mis en scène “The Mirror” ou “Ouija 2” et il a frappé un grand coup en 2018 quand il a signé pour Netflix une série suivant les aléas d’une famille dans une grande maison hantée “The haunting of hill house”.
Stephen King est content car le coeur de son oeuvre est, cette fois-ci, bien respectée. Avec “Doctor Sleep”, Mike Flanagan a réussi à trouver un équilibre cher aux fans de l’oeuvre originale avec une adaptation relativement fidèle. Avec un savant dosage de fantastique, il s’inscrit dans le style de son auteur, Stephen King, sans trahir les fondations érigées par Stanley Kubrick. Le problème principal, qui est malheureusement inévitable, c’est que l’on oublie jamais le film original. Et le métrage de 2019 ne lui arrive jamais à la cheville : notamment à cause d’une réalisation soignée mais qui ne réussit pas à construire une réelle ambiance de terreur et des personnages crédibles mais qui surfent parfois avec la série B.
En voulant trop ménager à la fois les fans et l’auteur du livre, “Doctor Sleep” peine à décoller. Comme souvent dans les histoires de Stephen King, l’adaptation est compliquée car le matériel de base est riche, trop riche. Il aurait fallu faire des choix plus ambitieux pour ce concentrer sur une seule partie de l’historie plutôt que de multiplier les personnages. Il en résulte une première heure longue et indigeste qui met trop de temps à installer un contexte que l’on comprend pourtant assez vite.
C’est au moment de la rencontre entre Danny et la jeune fille que le film aurait finalement dû débuter. C’est à cet instant là que les premières scènes efficaces commencent à nous réveiller. La dernière demi-heure où l’on retourne à l’Overlook est assez délicieuse, et le réalisateur prend son temps. Le film se réapproprie totalement l’Overlook comme espace mental avec un décor à l’identique. L’aspect défraîchi en plus. La nostalgie nous gagne dès que les lumières s’allument et qu’Ewan McGregor (impeccable en Danny Torrance adulte) entre dans ce lieu devenu sacré dans la mémoire des cinéphiles. Passé ce plaisir de quelques minutes, l’intérêt retombe et on fait face à un final assez attendu.
Le fait que “Doctor Sleep” parvienne à satisfaire à la fois l’héritage de King et de Kubrick est déjà une réussite en soi. Tout en étant parfaitement cohérent avec la filmographie de Flanagan, le film pêche en se prenant les pieds dans le tapis de sa propre histoire. Loin d’être la catastrophe annoncée, le film est malgré tout assez vain. Il plaira surtout aux fans de film de Kubrick qui le verront par curiosité. Les autres passeront leur chemin.