La où la crise de logement te pousserait peut-être à photoshoper tes feuilles de paie et forcer un peu sur le sourire face au proprio, le personnage principal de « Dream Home » préfère appliquer la méthode Jason Vorhees pour obtenir l’appart’ de ses rêves.
L’existence de Cheng Lai-sheungn ressemble à la version chinoise de vie de merde : en plus de cumuler des tafs aussi intéressants que télévendeuse de produits financiers ou mi-temps dans un magasin de fringues moches, la trentenaire doit s’occuper de son père malade des poumons mais toujours ok pour se griller une gitane sans filtre. Pour finir, son mec, en plus d’être moche et sans humour, est le mari d’une autre. Mais au moins, comme tout citoyen chinois bouleversé par la récente arrivée du capitalisme, Cheng a le même rêve depuis la petite enfance : faire partie de la Chine des propriétaires et acquérir un appart’ king size avec vue sur la mer.
Sur ce pitch de base, « Dream Home » se divise en deux récits parallèles: l’un suivant les combines de plus en douteuses de la jeune femme pour arriver à ses fins, l’autre la voyant jouer à la boogey woman sur toute une nuit dans un immeuble luxueux. La fin de la première partie, on s’en doute, expliquera les causes immédiates (et bien cyniques) de la boucherie. A cette structure en deux temps, le scénario rajoute des flashbacks montrant la jeunesse de l’anti-héroïne. Une tartine d’informations sur-explicatives et carrément mièvres pour un résultat plus fouillie que vraiment utile. La satire sociale est par contre toujours assez mordante et se moque ouvertement (et grossièrement) de tous les personnages. Femmes cupides ou hommes infantiles, mufles et adultères, tous évoluent dans une société où l’égoïste décomplexé est le vrai winner.
Avec une réalisation souvent de toute beauté, cela dès le générique avec ces superbes vues d’immeubles-fourmilières et ces quelques passages en tilt-shift, « Dream Home » reste au niveau pour l’esthétique de ces séquences choc. Les scènes de meurtres en deviennent vraiment trash, poussant jusqu’à l’ultra-craspec quand Cheng étouffe une femme enceinte avant de défoncer le crâne de son mari à coups de club de golf. Les jeunes du dessus font trop de bruit ? Notre jeune femme règle tout les problèmes de la copropriété de la même manière : à coup de couteau de boucher ou d’outils de bricolage, un choix des armes à la signification bien particulière et qui épaissit un peu plus le personnage. « Dream Home » compte aussi probablement la scène de coïtus interruptus la plus craspec de l’histoire du slasher. Difficile de s’attendre à aussi trash de la part de Pang Ho-cheung, réalisateur du comique « Trivial Matters ».
Les interprétations sont correctes et Josie Ho, déjà vue dans «Exilé » de Johnnie To et ici co-productrice du film, est assez troublante dans le rôle principal. Loin du cabotinage habituel dans le registre de la folie mentale, souvent cantonné à la froideur reptilienne ou la sauvagerie primaire, l’actrice commet ici les pires horreurs en trouvant un ton de jeu assez original et d’autant plus effrayant que le film arrive à créer en parallèle une certaine empathie pour le personnage. Nous sommes finalement plus proches ici d’un « American Psycho » que n’importe quel ersatz de « Vendredi 13 ». « Dream Home » va en effet un peu plus loin dans la satire sanglante du puritanisme vengeur en présentant des victimes peut-être « coupables » de fautes morales mais décimées par une jeune femme dont les motifs se révéleront finalement complètement intéressés, une démarche beaucoup plus calculées que l’habituel craquage psychotique des autres films du genre.
Même si l’équilibre entre film d’horreur et satire social en décontenancera certains et malgré une ambigüité parfois bien lourdement amenée, « Dream Home » est une bonne surprise. Une variation un peu originale et complètement amorale du slasher sur fond de crise immobilière.
Par Alex B