Après Saint Ange, Martyrs et Le Secret ; le réalisateur français Pascal Laugier nous livre son dernier opus, sobrement intitulé Ghostland. On y retrouve Crystal Reed, Anastasia Phillips et Mylène Farmer, prises au piège dans une maison familiale en proie à…ne pas en savoir davantage. Est-ce une pleine réussite ?
Qui n’a jamais vu Martyrs ne connaît pas le jusqu’au-boutisme de notre Pascal Laugier national. Et voilà qu’aujourd’hui encore, n’y allons pas par 4 chemins, il nous assène un autre uppercut nous laissant sur le sol, rejoignant ses héroïnes qu’il prend tant de plaisir à malmener. Ici dans Ghostland on retrouve les thèmes chers du réalisateur : la relation étroite et complexe entre deux jeunes femmes, ici deux sœurs, la notion de famille écartelée et surtout sa vision crue de la violence. Point de Jump Scare bon marché ici comme il en fleurit trop souvent dans les productions modernes (bonjour Blum House et le Conjuringverse) ; la caméra ici ne veut pas nous surprendre, elle se pose et nous montre une violence dans sa plus tragique simplicité. Jamais elle ne se détournera, ce sera à nous, spectateur pris dans ce roller coaster horrifique, de nous détourner.
Le film, d’une durée de 90 minutes, ne souffre d’aucun temps mort, mais mise sur une caractérisation convenable de nos trois ou cinq héroïnes. Nous entrons donc rapidement dans l’action et nous n’aurons que peu de temps pour reprendre notre souffle. Nous souffrirons avec elles. Vous remarquerez qu’on reste très évasifs sur le scénario ; car c’est un élément clé du long métrage. Ceux qui ont vu les précédents films du réalisateur savent qu’il est rare que les choses soient aussi simples qu’elles n’y paraissent, et c’est là encore le cas avec un twist qui relance habilement l’intrigue au milieu du long métrage.
Un petit mot sur les actrices, absolument convaincantes ; et ceux qui ont peur d’un surjeu de Mylène Farmer seront rassurés par sa sobriété. La chanteuse incarne très bien cette mère célibataire avec du talent, de la réserve, et une certaine fragilité. La maison, théâtre des atrocités recèle de recoins sombres que la caméra de Laugier aime à explorer avec brio.
On pourra reprocher quelques facilités scénaristiques, quelques réactions peu compréhensibles qui nous feront dire les habituels : « mais pourquoi elle fait ça ? » et une certaine naïveté, que l’on pourrait assimiler à une idée de pureté, venant contrebalancer sans doute la noirceur quasi opaque de l’ensemble du long métrage. Quelques fulgurances graciles, des éclats de lumières qui peuvent dénoter mais qui, dans l’absolu, sont nécessaires à l’équilibre de l’œuvre, la rendant moins nihiliste que Martyrs notamment.
Ce film est, non seulement, à conseiller à tout vrai fan de film d’horreur, de genre, mais aussi d’auteur. Mais il est aussi remarquable car il va à contre-courant de beaucoup de productions standardisées américaines, tout en proposant une violence beaucoup plus assumée, frontale et expéditive. Voyage sans escale au pays de Ghostland.
Prenez votre ticket. Attention au départ.
Par Frédéric Lapraz