En plein été, dans une maison de campagne perdue au milieu des champs de maïs et des bois, des jumeaux de dix ans attendent le retour de leur mère. Lorsqu’elle revient à la maison, le visage entièrement bandé suite à une opération de chirurgie esthétique, les enfants mettent en doute son identité…
Discrètement sorti en salles, Goodnight Mommy s’est vu privé d’une promo à l’image de sa réputation. Reparti de Gerardmer avec le Prix du Jury Syfy et le Prix du Jury Jeunes, il n’aura pas laissé insensibles les festivaliers : « expérience rude » , « un film qui fait mal », « inclassable »… Le résumé intrigue et rapidement à l’écran le ton est donné. Car si le film débute avec de jolies images champêtres, une nature où les jeunes Elias et Lukas s’évadent, c’est bientôt un univers clos et glacial qui va s’imposer. Le paisible cède la place à l’inquiétant. Les jumeaux sont confrontés à une figure maternelle qu’ils ne reconnaissent pas. Déshumanisée, elle leur inspire de l’angoisse, et les laisse en proie au doute : et si finalement cette femme était une usurpatrice ?
Huit clos étrange et froid, Goodnight Mommy s’inscrit dans la tradition du cinéma radical venu d’Autriche. Distillant un malaise de plus en plus tangible, il évoque bien évidemment Michael Haneke (Funny Games) dans sa forme épurée et sa montée de violence implacable. De par son titre original Ich seh, Ich seh (“je vois, je vois”), on devine rapidement que c’est un film parti pour exploiter la thématique du regard et de la perception : les enfants ne reconnaissent pas leur mère, certains tableaux de la maison ne sont que silhouettes floues, l’angoisse se mue brusquement en horreur frontale et le spectateur devra même, au détour d’un twist final plus ou moins habile, reconsidérer tout ce qu’il vient de voir.
Goodnight Mommy interpelle et provoque sans jamais être racoleur. Le duo de réalisateurs évite effectivement le piège de la gratuité nauséabonde car si graphiquement certaines séquences dans le dernier tiers sont éprouvantes, l’ensemble ne bascule pas pour autant dans le torture porn craspec. Intelligent dans sa mise en place efficace d’une atmosphère glaçante, ce thriller psychologique d’excellente facture peut néanmoins déconcerter certains spectateurs. Point de jump scares ou d’artifices éculés (qui a dit « Ouija »?), ici on est plutôt dans quelque chose de réflexif et de contemplatif. Au risque certes d’accuser quelques longueurs, Goodnight Mommy prend le temps d’instaurer son ambiance afin de mieux partir en vrille dans sa seconde partie. Les amateurs de bambins sadiques seront servis!
Âpre et malsain, ce cauchemar perturbant, entre le film d’auteur et le cinéma de genre, est suffisamment singulier pour mériter que l’on s’y arrête. Avec leur premier long-métrage, Severin Fiala et Veronika Franz délivrent donc une oeuvre troublante, exploration à la fois hypnotisante et dérangeante de questions comme l’identité, le deuil et les relations intrafamiliales.
Si It Follows a produit son petit effet en début d’année, voici un autre film, injustement moins mis en avant, qui vaut assurément le coup d’oeil.
Critique par Sébastien D
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