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Headhunters

Affiche du film "Headhunters"

© 2011 Friland Produksjon − Tous droits réservés.

Dans une société médiocre où tout n’est que célébration du beau, du grand et du riche, il est difficile de s’épanouir lorsqu’on a un physique ingrat, que l’on mesure 1m68 et que l’on ne gagne sa vie que par de menus larcins inavouables. Roger Brown, chasseur de têtes le jour et voleur de tableaux la nuit, doué dans l’exercice mais régulièrement lésé par les clients pour lesquels il travaille, a appris à s’en accommoder. La seule valeur qui prévaut universellement dans ce monde où le faux-semblant est roi, où la concurrence féroce oppose à tout instant les individus pour le moindre intérêt, c’est l’argent. Le constat force l’évidence. Le personnage principal de Headhunters, désireux de jouir de la vie à tout prix, contraint pour survivre de suivre l’état d’esprit général, n’hésitera pas à servir la cause d’un certain individualisme crasse pour lui aussi récupérer sa part du gâteau. Dès les premières séquences, l’ambiguïté contextuelle force l’admiration. Hypocrisie assumée ou ironie mordante, où se situe réellement la morale de Roger Brown ? La voix-off des premiers instants, procédé subjectif bien connu des grands thriller manipulateurs, tendrait-elle à dévoiler un sarcasme à double niveau ? En exposant les faits avec une volonté objective, ne se situe-t-on pas en plein cœur d’une transgression du narrateur imposant son point de vue personnel comme Vérité indéniable ? Pour le savoir, le spectateur n’aura d’autre choix que de suivre ce Roger Brown, dans le dernier coup d’éclat criminel de sa vie.

La survie sociale transformée en véritable survival horrifique. Le Cinéma possède cette force d’expression parabolique permettant d’aborder moult sujet par l’exploitation d’un genre a priori codifié. Morten Tyldum, “spécialiste” de l’adaptation de romans sur grand écran, n’en est pas à son coup d’essai. Signant ici son troisième long-métrage après une carrière éclectique dans le clip, la publicité et le court-métrage, il impressionne avec Headhunters, par la hargne viscérale de son sujet, la naïveté relative de certains de ses partis-pris et la foi indéfectible envers son projet, composants typiques des premiers films accouchés dans la douleur. Tout ici semble aller à contre-courant avec une énergie presque épuisante. En choisissant d’emblée de raconter l’histoire d’un personnage dont on ne saura juger sur l’instant de sa sympathie ou de son antipathie et en inscrivant son parcours dans un contexte social immédiatement reconnaissable (le monde de l’entreprise, la vie de couple), Headhunters déstabilise. Parce que, dans un premier temps, cette exposition pose la question de la légitimité d’un tel comportement (la fin justifie-t-elle les moyens ?) et, dans un deuxième temps, parce que le film décide d’y répondre en fléchissant la réflexion de son personnage par une accumulation cruelle de péripéties aussi troublante que désespérée.

Adepte de la rupture de ton remettant tout en cause, Morten Tyldum applique un jeu de transformations à l’ensemble des éléments de son film, tant par volonté d’alimenter son suspense que de moquer les conventions établies. Ainsi, les retournements de situations et autres surprises narratives émaneront avant tout des mauvaises interprétations de son personnage (ce qui perdra également le spectateur, habitué à considérer comme acquis les détails qui lui sont objectivement dévoilés), la satire de la première partie cèdera la place à la caricature dans la seconde (le film y gagnant une limpidité troublante), les masques tomberont jusqu’à redéfinir le titre même du film. A posteriori, il semblerait donc que la raison d’être de Headhunters réside dans sa deuxième moitié, plus folle, plus audacieuse moins balisée peut-être qu’une première demie-heure à la mise en place finalement moins étonnante. Exploitant les codes du thriller horrifique avec un goût pour le grotesque hilarant et la violence glaciale, celle-ci démontre par le menu toute la violence résultant de l’état d’esprit délétère induit par une Société carnassière et sans pitié. Et si la voie choisie semble parfois faire des écarts à l’humour corrosif, c’est peut-être parce qu’il vaut encore mieux en rire.

Critique par Nicolas Dehais

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