Difficile de ranger Il était une fois un meurtre dans une catégorie cinématographique : le film semble se vouloir comme un thriller socio-dramatique multipliant les points de vues pour mieux toucher le spectateur. Mais le film tend aussi à montrer que dans une histoire donnée, rien n’est jamais figé dans une opposition manichéenne entre les méchants et les gentils. Tout du moins en apparence …
Baran Bo Odar tient tout d’abord une histoire en or : sombre et cruelle à souhait dès le début, elle se complexifie au fur et à mesure que l’intrigue avance et finit par brouiller les pistes. Le point original du film veut que ses axes narratifs soient presque découpés de manière identique selon trois points de vue du scénario : les tueurs, les victimes et la justice. Sans jamais prendre parti, le réalisateur nous offre sa vision des choses toujours avec une justesse et une précision remarquables. Ces aspects vont d’ailleurs se retrouver dans la mise en scène.
La complexité de l’histoire entre en résonance avec celle de son sujet de base, la pédophilie, et on ne parle pas ici de “monstres” mais d’hommes qui ont des regrets (ou pas), des projets mais aussi des pulsions difficilement contrôlables. Ces hommes finissent par changer et devenir des pères de famille respectables, voulant tirer un trait sur le passé et qui ne se doutent pas que celui-ci va revenir comme un boomerang, et ils ne pourront ainsi jamais fuir leurs véritables responsabilités. La perversion est alors traitée comme elle doit l’être: du côté humain, sans aucune moralisation, mais en gardant à l’esprit le passage à l’acte des criminels.
Le réalisme qui transparaît du métrage est également dû à sa réalisation, toujours réussie, parfois sublime, à l’image de l’affiche du film, proche parfois du documentaire ou de la reconstitution tant la réalité est presque palpable. Les angles de vues laissent tantôt voir de grands paysages désertiques, tantôt des visages éprouvés par la peine ou les remords. L’utilisation des couleurs est également très intuitive et obtient un rendu sensoriel assez saisissant : la chaleur évoquée par la saison estivale fait écho à la froideur du sujet.
C’est ce sentiment de malaise qui résume le mieux Il était une fois un meurtre, un sentiment pas désagréable mais qui laisse le spectateur un peu perdu : pas totalement malsain car souvent “dédramatisé”, le film séduit par son originalité de propos. Certes, des films sur les pédophiles ont déjà été faits, mais jamais en écho avec les familles des victimes.