Amis des séries Z, Joyeux Noël. Vous souhaitez vivre à fond vos fêtes de fin d’année ? Votre désir d’immersion est total ? Le pull en laine à motif chamois que vous portez déjà n’arrive pas à la cheville de vos ambitions ? Vous courrez nu dans votre salon en vous griffant le visage et en hurlant ”Mais où donc est passé l’esprit de Noël ?!! Ai-je encore le droit, bien qu’adulte, à l’insouciance ?! Puis-je seulement accéder à la grande porte dorée du monde magique des rêves ?! Aaaaaaah ! ah… aarrrrggg.. ” Pas de panique, voici la réponse à toutes vos préoccupations. Telle l’étoile en haut du sapin en plastique, tel le serre-tête en bois d’élan qui clignote dans la nuit, Jack Frost est là et n’attendait que vous. Il est donc temps de peaufiner votre crise de foie gastronomique avec cette bûche cinématographique. Desserrez votre ceinture, on passe à table.
Contrairement au Jack Frost de 1998, film avec Michael Keaton et de très vilains effets spéciaux ayant pour thème un gentil qui meurt, puis ressuscite en bonhomme de neige, le Jack Frost de 1997 est un film de Michael Cooney avec de très vilains effets spéciaux, ayant pour thème un méchant qui meurt, puis ressuscite en bonhomme de neige. Restez concentrés donc, lors de votre commande au vidéo club. A noter également que Michael Cooney – le réalisateur – n’a rien à voir avec Georges Clooney – le marchand de café – ce qui est bien dommage car le slogan qui va avec aurait sans doute aidé : ”Jack Frost, what else ?”. A la place, Jack Frost est un échec commercial à sa sortie, tout comme son homonyme l’année suivante. Doit-on en conclure que les bonhommes de neige ne sont, contre toute attente, pas si charismatiques ? Fat shaming, what else.
Jack Frost est un film de Noël. Merveilleusement bien assorti à cette période de l’année où tout est, de toute façon, déjà beaucoup trop lourd (bonnets à pompon, blagues de tonton, estomacs), il rentre tout naturellement dans la case des nanars traditionnels à honorer entre deux Ferrero Rocher. Tenter Jack Frost au mois d’Août reviendrait à se faire une raclette sur la plage, soyez donc vigilants, ne loupez pas le coche. A regarder en formule amis-pizza-bières ou pyjama-couette-Ben&Jerry’s, il saura égayer votre dépression hivernale et vous faire oublier que vous n’avez toujours aucun plan pour le nouvel an.
A défaut de slalomer gracieusement sur le mont subtilité, Jack Frost a le mérite d’explorer sa thématique à fond. Décapitation à la luge, strangulation à la guirlande clignotante, cadavre au pied du sapin, on en a pour notre argent (0,90€ en moyenne dans tous les bons Happy Cash). Même pas interdit aux moins de 12 ans, il descend pourtant tout schuss la piste verte du mauvais goût et décroche haut la main son premier flocon avec une scène fort douteuse d’agression sexuelle à la carotte, dérapage pas franchement contrôlé. Friandise Z ou gros raté, on ne peut lui enlever la qualité d’être divertissant sur la durée. Et si l’ennui vient à pointer le bout de son nez, Jack sait désamorcer ses faiblesses en s’auto-ponctuant de réflexions méta (l’on pourra entendre de la bouche du héros ”Il faut finir ce film”, on n’aurait pas dit mieux).
Nostalgiques de l’ère pré-#metoo, précipitez-vous ! Bien que frôlant les années 2000, Jack Frost semble tout droit sorti des années 80 avec un savant cocktail d’effets spéciaux pourris et de misogynie. Une belle performance qui nous rappelle ces temps immémoriaux où les femmes savaient si bien écouter les hommes, nettoyer la cuisine, préparer le thé, servir le café, être secrétaire, femme au foyer, aguicheuse, bien gaulée, s’occuper des enfants, se faire violer et surtout, se laver les cheveux après se les être séchés. Un saut dans le temps où les hommes eux aussi savaient assumer pleinement leurs responsabilités. Merci aux dialoguistes pour les pépites de gros burnés : ‘‘Sally, quand j’veux philosopher j’prends un bouquin, finis mon écharpe, j’vais couper du bois”. Y’a pas à dire, c’était l’bon temps.
Jack Frost est donc une bouse, oui, mais rien ne vous empêchera de briller tout de même en société à l’issu de ce plaisir coupable. Car sachez qu’avant d’être le serial-killer-dissous-par-de-l’acide-radioactif-et-réincarné-en-bonhomme-de-neige-pondu-par-un-Michael-Cooney-qui-a-probablement-perdu-un-pari, Jack Frost est un folklore, une allégorie de l’hiver issue de la culture anglo-saxonne, une figure littéraire déjà présente dans les années 40 dans l’univers des comics (Timely Comics puis Marvel). La culture avant tout donc. L’on retrouvera ce personnage dans de nombreuses fictions cinématographiques, télévisuelles, en chansons ou jeux vidéo, et parmi ses apparitions les plus récentes, retenons Jack Frost et les 5 Légendes sorti en 2012 chez DreamWorks Animation. Réalisé par Peter Ramsey (déjà coupable de l’halloweenesque court Monsters vs Aliens : Mutant Pumpinks from Outer Space, 2009), ce film d’animation est l’occasion parfaite, contrairement au Jack Frost de Cooney, de partager un moment familial avec vos petits cousins, nièces et autres rejetons de l’enfer lors de votre sortie de table à 17h. Et comme c’est pas Noël tout les jours, on vous rajoute Nolwenn Leroy à la VF, si si c’est cadeau. Comment ça fallait pas ? Allez, joyeuses fêtes et profitez bien de la saison des navets, avant les bonnes résolutions du 1er janvier.
Par Cécile Métral