Huit mois après un travail désastreux à Kiev qui l’a laissé physiquement et mentalement marqué, Jay, un ex-soldat devenu tueur à gages est pressé par son partenaire d’accepter une nouvelle mission. Mais bientôt, Jay commence à ressentir à nouveau les effets de la peur et de la paranoïa…
En guise de présentation à l’édition 2011 de l’Etrange Festival, le réalisateur confiait s’être inspiré de ses rêves les plus tordus pour certaines séquences du film, et plus explicitement ceux consistant soit à « être coincé dans des petits espaces, être poursuivi par des personnes âgées nues ou siégeant à un dîner qui n’en finit pas ». Le côté d’apparence éparpillé et un peu abscons de cette déclaration résume finalement bien ce que l’on peut ressentir face au résultat final: film de tueur à gages virant progressivement au cauchemar éveillé, Kill List largue parfois son spectateur dans ses changement de tons pour mieux le brutaliser quelques séquences plus tard.
La femme de Jay (MyAnna Buring): un réconfort ambiguë
Dès sa longue première partie digne d’un drame socio-réaliste à l’anglaise – montage et éclairage inclus – mettant en scène un couple au bord de la crise de nerf, lui en vétéran de l’armée flemmard et au bord de la dépression, elle en mère de famille consternée par l’inactivité de son mari, on se doute bien que le film ne va pas se contenter d’une trame classique. Dès ces premières scènes intimistes, s’installe une atmosphère résolument étrange, portée par quelques détails, bouts de dialogues ou de scènes plus ou moins subtiles (le coup du signe cabalistique annonce quand même bien la suite). Une science du détail pervertissant le quotidien et le mâtinant d’un fantastique trouble qui pourrait évoquer Rosemary Baby ou Lost Highway. Une atmosphère d’autant plus tendue que Jay bénéficie d’un jeu d’acteur laissant affleurer une violence toujours prête à exploser. Une tension qui explosera plus tard lors de quelques déflagrations aussi brutales que réalistes dans leurs effets sanglants.
Le meilleur pote de Jay (Harry Simpson), bientôt dépassé par les troubles de son compère
Par la suite, le canevas de ce film noir se fait simple et minimaliste : une intrigue de départ basique et quasi-programmatique – la liste des hommes à abattre se déroulant à l’écran – et reprenant un temps les codes du « buddy movie » avec ce duo de tueurs et vieux potes enclins à la bonne blague. Une installation un peu longue et bifurquant via une série d’événements déroutants et parfois même réellement terrifiants (claustro gérontophobes s’abstenir !), pour muer en un vrai trip sensoriel. Une plongée dans les recoins les plus obscurs de la psyché humaine, plaçant le spectateur au cœur de la dérive mentale de son personnage principal. Le film semble ainsi perdre le contrôle en même temps que son protagoniste central, s’enfonçant avec lui dans des scènes de plus en plus cauchemardesques – la réalisation se transformant radicalement – jusqu’à voir le trip intérieur du tueur contaminer littéralement l’écran lors d’un final estomaquant.
Une figure effrayante pour annoncer la résolution finale
Car de ce qui a mal tourné à Kiev, de cette organisation aux ramifications sans fin ou de cette secte proto-païenne, on n’en saura finalement rien. Seul va compter le trajet d’un tueur s’enfermant de plus en plus dans sa fonction primaire, celle établie d’abord par une société civile en l’envoyant sur les champs de bataille puis celle, finalement très semblable, recréée par un groupe aux mœurs mystérieuses. Le verrou ultime de ce statut sera alors posé dans une célébration finale aussi hypnotique que bouleversante, les images violentant d’autant plus le spectateur qu’elles font écho à une séquence intervenant plus tôt dans le film, fermant la boucle de manière aussi astucieuse que désespérée.
Film de genre viscéral et déclinant de manière originale les codes du tueur à gages, Kill List est donc une pépite du cinéma indépendant UK à découvrir au plus vite!
Critique par Alex B