Après une trilogie achevée en 1991 par un Chucky 3 pas des meilleurs, Chucky la poupée de sang revient en 1998 profitant de la nouvelle effervescence autour du film de slasher initiée par la sortie de Scream (Wes Craven, 1996).
L’épisode renouvelle la franchise afin de mieux coller aux codes en vogue et accentuant le côté parodique. Don Mancini, scénariste de tous les épisodes de la saga, rempile ; et la réalisation est confiée à Ronny Yu, réalisateur de genre hong-kongais, dont le premier film sur le sol américain Magic Warriors (Warriors of Virtue, 1997) vient d’avoir un petit succès. Un choix judicieux pour apporter une vision énergique et décomplexée d’une poupée réduite en miettes à la fin du précédent opus.
La couleur est donnée dès le départ : le titre “The Bride of Chucky” parodie le classique “The Bride of Frankenstein” (James Whale, 1935), l’affiche celle de Scream 2 (Wes Craven, 1997) sortie quelques mois plus tôt, et pour finir le jeune Alex Vincent, l’enfant des premiers films, est délaissé contre un couple young-adult dans l’esprit du moment (Nick Stabile est alors l’un des héros de la série pour adolescents Sunset Beach). Le film débute dans un dépôt de pièces à conviction où les clins d’œil sont largement appuyés sur les boogeymen cultes des années 80 (tronçonneuse, masque de hockey, griffes, masque de Michael Myers, …).
Le premier meurtre nous rappelle celui de la voiture dans Halloween (John Carpenter, 1978) en plus gore et nous laisse ensuite découvrir Tiffany (Jennifer Tilly) dans une tenue mettant en valeur sa plastique. Tiffany est clairement le personnage principal du film (Jennifer Tilly est d’ailleurs tête d’affiche). Elle permet au spectateur d’avoir une nouvelle approche par rapport à Chucky. Petite-amie de Charles Lee Ray avant sa mort humaine dix ans plus tôt, Tiffany remet la main sur la poupée maléfique et la ramène à la vie croyant que ce dernier allait la demander en mariage avant sa supposée mort.
La franchise fait ici le choix de passer à l’âge adulte nous proposant de suivre Tiffany dans des tenues plus sexy les unes que les autres sur une bande son métal léchée (Rob Zombie, Static-X, Slayer, …). Lorsqu’elle demande à son ami gothique « You wanna play ? » avant de l’attacher au lit, nous savons que les jeux d’enfants sont désormais terminés ! Si l’une des forces du premier Child’s Play ( Tom Holland, 1988) était de suivre Chucky à hauteur depuis les yeux d’un enfant, l’une des ingéniosités de ce film est de renouveler ce principe en suivant Chucky depuis une poupée qui lui ressemble, celle de Tiffany dont l’âme est transportée dans le jouet suite à sa mort par électrocution dans son bain pendant la diffusion de Bride of
Frankenstein : « She’s alive ! ».
Casser les codes avec précédents films est le mot d’ordre clairement assumé. L’ami de Tiffany se moque de Chucky le trouvant ridicule, puis, lorsque Chucky sort son couteau de nullepart, Tiffany elle-même se moque de lui. Elle lui demande ironiquement s’il est né avec et qu’il est temps de passé à autre chose. Le couteau retrouvera une place dans la séquence finale mais se retournera contre Chucky. Il avait pourtant été mis en garde ! L’époque a changé et Tiffany bien qu’étant une femme qui attendait le retour de son amant pour le mariage est en pleine émancipation. Elle rêve d’une vie de couple où les partenaires sont égaux et partagent les taches.
Chucky, représentant d’un patriarcat à la traîne, est clairement dédaigneux envers le jeune couple amoureux faisant le voyage avec eux qui est sur ce modèle là. Il est également dépassé par les références de Tiffany à Martha Stewart, femme d’affaires américaine connue à la télévision et dans les magasines pour le « bien vivre chez soi » (toujours en vogue outre-atlantique au moment où j’écris ces lignes).
Pour notre plus grand bonheur, il semble que Bride of Chucky réussit tout ce qu’il entreprend. Le côté méta-filmique qui est la base et la force de Scream est ici intelligemment remplacé par la parodie et l’auto-référence. Road-movie d’une caravane, pouvant être assimilée à une maison de poupée, jusqu’à la tombe de Charles Lee Ray, le film pourrait être vu comme une route vers un retour aux sources ; avant que le cliffhanger ne nous fasse comprendre qu’il s’agissait d’une renaissance !
Par Pierrick Lafond