Ce à quoi on assiste avec “La Malédiction : L’Origine” est rare : on n’a pas peur de le dire, c’est un miracle ! On s’est rendus dans la salle de cinéma blasés, sans AUCUNE attente, tout juste l’impression qu’on allait encore voir un film de nunsploitation et on était assez curieux de l’enchaînement des sorties de cette préquelle à La Malédiction et de Immaculée, sorti il y a un mois. Car, sans spoil, (tout est dans le pitch et les bandes-annonces), l’histoire est très similaire. Pourtant, ce dernier a mis des années à se faire. Il s’agirait donc d’un pur hasard ? Ou alors Satan veut nous faire passer un message…
Première surprise : “La Malédiction : L’Origine” est le premier film de la réalisatrice Arkasha Stevenson. En général, les séquelles, préquelle, légagymachin sont confiées par les studios à des réalisateurs qui ont déjà fait leurs premières armes ; des yes man qui vont être soumis aux volontés des producteurs. Ici, ce n’est pas le cas. Comme son titre l’indique, il s’agit de donner une origine à ce qui fut un des grands succès du cinéma d’horreur des années 1970. La Malédiction (1976), de Richard Donner qui, lui-même, capitalisait sur l’engouement qu’avait suscité L’Exorciste (1973). La saga a connu trois suites, un remake et une série télévisée, avec des qualités assez discutables. Tout était donc réuni pour avoir un fiasco, et pourtant…
Mais dès la première minute, on oublie toutes nos craintes : alors que le film se déroule au début des années 1970, à Rome ; la réalisatrice utilise avec intelligence les techniques et le grain de l’époque. Elle nous offre une photographie particulière et des plans de caméras rappelant notamment l’Exorciste (la manière lente de filmer la ville, les passants) ce qui contribue à créer une atmosphère angoissante. Avec finesse et élégance, le film rend hommage à ses aînés sans les copier. Les décors sont assez soignés, les costumes impressionnants, les éclairages sont magnifiques. Tout cela est mis au service de l’histoire, pour montrer qu’une menace plane, indicible, discrète au début puis inquiétante. On sait tous de quoi il s’agit, pourtant, on est happés.
Sur le fond, et alors qu’Immaculée restait en surface de tous les sujets abordés, “La Malédiction : L’Origine” n’a pas peur de regarder la vérité en face, et d’aborder les sujets qui fâchent, à quoi bon faire un film de ce genre sinon ? Le discours sous-jacent sur la possession du corps des femmes est profondément moderne. Par exemple, avec une scène d’accouchement insoutenable, Arkasha Stevenson montre la violence la plus pure (le film a été interdit au – de 16 ans). Les scènes de viol par l’antéchrist confirment cette volonté de tendre vers le body horror, qui tranche magnifiquement avec le classicisme des autres séquences du film. Le corps féminin est mis à mal dans sa globalité (cheveux coupés ou sexualisés) et il est utilisé au profit des “puissants”. Une très belle métaphore. Ce savoureux mélange fonctionne à merveille, montre qu’au-delà du vernis “bien sous tout rapport” il se cache des choses terrifiantes. Cette volonté d’insuffler une dimension féministe est à saluer, surtout quand cela est fait avec une telle sensibilité.
Sur la forme comme sur son propos, le film est une excellente surprise. Pas parfait, car alourdi par des passages obligés et quelques facilités scénaristiques, “La Malédiction : L’Origine” est une proposition jusqu’auboutiste assez audacieuse. En se concentrant sur son héroïne, elle permet à la saga fatiguée de se relancer (même si le final est discutable). Mention spéciale à l’actrice principale Nell Tiger Free qui se révèle dans les scènes les plus éprouvantes.