Bien des années après l’avoir visionné une première fois, il semblait être dans l’obligation de parler de ce film dont les images ont « égayé » mon enfance. C’est un film visuellement marquant. Non par un quelconque aspect sanguinolent, mais à travers une mise en scène originale agrémentée de plans rudement bien pensés. On notera ainsi plusieurs séquences qui valent leur pesant d’or, telles que l’évolution du tableau dans l’hôtel d’Hobb’s End, la troublante apparition à répétition de ce cycliste, ou encore l’altercation entre l’officier de police et le jeune dans cette sombre ruelle… Tout cela pour dire que ce film apporte un certain nombre d’innovations au genre de l’horreur fantastique.
Pourquoi fantastique ? Il semble important de mentionner que Carpenter s’est fortement inspiré de l’écrivain Lovecraft. On y retrouve son goût pour les terres anglaises et les bestioles tentaculaires, l’ambiance, les décors suintent Lovecraft, tout comme l’auteur Sutter Cane qui semble avoir été créé à l’image de l’auteur américain.
Cependant, cantonner le métrage à la catégorie fantastique serait une erreur. Carpenter joue ici de divers instruments pour pousser plus loin un film qu’il décrira comme la fin d’ « une trilogie de l’apocalypse », débutée des années auparavant avec The Thing, et Le Prince des Ténèbres.
Que dire de ce film ? Par où commencer ? Peut-être par l’interprétation de Sam Neil qui se trouve être sûrement une des meilleures de sa carrière. Plus que de la science-fiction, ce film est une plongée en apnée dans le monde d’un homme qui perd lentement la raison. In the Mouth of Madness, comme son nom l’indique, positionne alors le spectateur face à une incompréhension totale. Où se trouve la réalité ? Où commence la fiction ? La limite entre les deux semble n’être alors plus qu’illusoire et ainsi, à l’image de John Trent, le spectateur se demande lui aussi ce qui s’est réellement passé.
On retrouve dans ce film de Carpenter tout un questionnement qui semble dérouter les cinéastes de l’époque. Sans pour autant parler de film culte, L’antre de la folie semble pourtant être le point de chute d’une génération qui se questionne. Que ce soit Craven avec Freddy sort de la nuit, ou encore Terry Gilliam, avec L’Armée des Douze Singes, qui sortent d’ailleurs la même année, le cheminement est le même. Où se trouve la limite entre la fiction et la réalité ? Qu’est ce qui est vrai et ce qui ne l’est pas. Avec plus ou moins de finesse, les réalisateurs semblent se demander où s’arrête le réalisme et où commence le fantastique. Une limite bien difficile à identifier, car comme le dit Linda Styles, la réalité n’est finalement que la convergence de nos points de vue. Mais si l’on changeait de point de vue ?
Le casting colle impeccablement à l’ambiance et aux aspirations du film. Les effets spéciaux sont, pour l’époque, de qualité. Tout un scénario assurément complexe qui nous plonge dans l’horreur visqueuse d’un monde que l’on ne peut comprendre et qui devient lentement fou. Car toute l’angoisse du film se trouve ici, dans l’image que nous renvoie Carpenter de la folie. N’avez-vous jamais eu cette peur ? Etre enfermé alors que vous êtes saint d’esprit ? Pire encore, que tout ce en quoi vous croyez fermement n’existe pas ?
Cependant, il me semble important de dire que malgré l’art de Carpenter dans toute sa beauté, le film prend tout de même un coup de vieux. Certains aspects du film semblent un peu désuets. Le sang s’apparente rapidement à de la peinture rouge vive, les monstres ne procurent aucun frisson, si ce n’est à la limite un sourire. Il est à noter qu’il ne souffre pourtant d’aucune longueur, ce qui est un bon point pour l’époque. Mais comme tout vieux film il se regarde avec un œil plus critique, et les défauts apparaissent. Pour en citer un, et certainement le plus risible, John Trent démarrant sa voiture en quelques secondes avec un tournevis. Si tout était aussi facile…
Reste cependant une ambiance. Un petit quelque chose qu’on serait incapable de décrire mais qui fait peser sur ce film comme une onde malsaine. Tout semble oppressant et effrayant. Dès le premier pas dans Hobb’s End, tout change. Il n’y a plus de repères. Rien n’est réalité, mais à la fois rien ne semble être fiction.
En somme, nous retiendrons que malgré les années, ce film reste un classique du genre de l’horreur fantastique. A regarder tout en se replaçant dans le contexte du milieu des années 90. A remarquer l’interprétation sans faille de Sam Neil et la performance magistrale de Carpenter qui arrive tout de même à nous faire adhérer au fait que finalement les monstres, ce n’est pas si improbable.
Par Julie