Site icon Films-horreur.com

Le Retour des morts-vivants

Affiche du film "Le Retour des morts-vivants"

© 1985 Hemdale Film Corporation − Tous droits réservés.

Frank et Freddy, deux employés d’une société de fournitures médicales, libèrent sans le vouloir un gaz hautement toxique contenus dans d’étranges barils que l’armée avait déposés par erreur il y a quelques années. Instantanément, un cadavre entreposé dans le bâtiment revient à la vie et attaque les deux hommes pour dévorer leurs cerveaux. Ceux-ci réussissent à le maîtriser de justesse et décident de le faire brûler au crématorium d’à côté, tenu par leur vieil ami Ernie, afin de ne pas ébruiter l’histoire. Malheureusement pour eux, la fumée qui s’échappe du crématorium va alors se répandre aux alentours et ranimer les morts du cimetière voisin. Au même moment, un groupe de punks cherche un endroit pour faire la fête. Ils choisissent de se rendre au cimetière…

La présence au scénario de John A. Russo ainsi que les multiples références explicites au film Night Of The Living Dead de 1968 présentent Return Of The Living Dead comme une suite pseudo-officielle du chef-d’œuvre de George A. Romero. Dans un genre complètement décalé et bien plus drôle qu’effrayant, Return Of The Living Dead initie sa propre saga des morts-vivants, constituée de cinq films tous plus barrés les uns que les autres et dont les deux premiers contribuèrent à insuffler au film de zombie une dimension comique jusqu’alors inexplorée.

L’humour fait ainsi partie intégrante du film de Dan O’Bannon, célèbre scénariste d’Alien et de Total Recall, entre autres, qui s’essaie ici pour la première et dernière fois à la réalisation. C’est un fait avéré, Return Of The Living Dead ne se prend pas du tout au sérieux et multiplie les scènes cocasses dans lesquelles les zombies ont le premier rôle. Loin d’être gênés par la rigidité cadavérique, ceux-ci parlent comme vous et moi, gambadent comme des cabris, tendent des embuscades (si, si, je vous assure !) et, surtout, sont friands de cerveaux humains (et vivants, tant qu’à faire). La chair fraîche et les tripes goulues importent peu à ces zombies-là, non, tout ce qu’ils veulent, c’est la matière grise… C’est donc sans grande surprise que nous les entendons tout au long du film beugler d’une seule et même voix mortifère  « Cerveaux ! Ceeeerveauuuux… » avant de planter leurs quenottes pourries dans la boîte crânienne de leurs pauvres victimes. Cette nouvelle caractéristique zombiesque, si elle ne fait pas preuve d’une grande originalité (le scénariste a simplement « déplacé » le concept initial de Romero) s’inscrit néanmoins de manière efficace dans la tradition parodique revendiquée par le film. En effet, quoi de plus absurde que des morts qui cavalent partout en hurlant qu’ils veulent des cerveaux ?!


Quant aux personnages, eh bien, ils sont à la hauteur de leurs ennemis : gueulards, froussards et à deux mille de tension, ils se débattent énergiquement pour se sortir du marasme qu’ils ont eux-mêmes provoqués. Les acteurs Clu Gulager (Burt) et James Karen (Frank) s’en sortent plus que bien en quinquagénaires morbides complètement dépassés par les évènements mais, pour ce qui est de Thom Mathews (Freddy), il n’est pas très difficile de deviner qu’il ne fera pas carrière dans le cinéma grâce à son talent d’acteur, ni à son charisme exceptionnellement absent, d’ailleurs. Les punks sont tous délicieusement ridicules et stéréotypés (Spider, Trash, Suicide… rien que leurs noms en disent long sur les personnages !), tant dans leurs comportements que dans leurs dégaines extravagantes, et évoluent tous dans un joyeux bordel qui s’écoule au gré des crises d’hystérie et des pièges subtilement tendus par les zombies. Il est à noter que Return Of The Living Dead révèlera au grand public la future scream queen Linnea Quigley (Flic ou Zombie ; Le Cauchemar de Freddy ; Night Of The Demons), petite icône du cinéma bis qui connut ses heures de gloire dans le milieu des années 80. Tous ces personnages se charclent donc sans commune mesure pour sauver leur peau au rythme d’actions délirantes et souvent très fun, quoiqu’un peu longues à démarrer.

Mais si Return Of The Living Dead peut bel et bien être considéré comme une parodie du film de zombie, il n’en néglige pas moins les aspects glauques et cradingues caractéristiques du genre. Et cela s’opère via les maquillages des zombies, assez moches pour l’époque mais qui collent parfaitement à l’univers déjanté du film. De même, si les effets spéciaux des scènes gore sont plutôt mal réalisés (on n’y croit pas une seconde, mais ce n’est pas vraiment gênant), celles-ci sont néanmoins présentes en petit nombre, enfin, juste ce qu’il faut pour produire un bon petit film de zombie. En revanche, le gros souci de Return Of The Living Dead reste son manque de cohérence dans le design de ses morts-vivants. Par exemple, l’on peut aussi bien voir des squelettes décharnés qui ouvrent les yeux (euh…), que des morts-vivants verdâtres ou blanchâtres (les frais) ou encore recouverts de boue (ben ouais, ils viennent tout juste de sortir de leurs tombes…), qu’une espèce de pantin rouge sanguinolent en haillons et aux orbites saillantes qui se meut comme un pervers équilibriste (le zombie du bâtiment de la société où travaillent Frank, Burt et Freddy, le seul vraiment réussi de tout le film). Vous me direz, c’est normal qu’ils n’aient pas tous la même tronche, les morts ne sont pas tous décédés en même temps ; ok, mais bon, n’empêche que le résultat est assez vilain et qu’au final on se dit qu’on est bien loin de la virtuosité plastique d’un Tom Savini ou d’un Greg Nicotero par la suite. Cette absence de logique esthétique se retrouve également au niveau sonore, et il convient de se demander pourquoi les zombies adoptent des voix bioniques d’extraterrestres quand ils peuvent parler tout à fait normalement…

Outre ces faits légèrement décevants, le principal point faible du film réside dans ses doublages français carrément nuls à chier (mais vraiment…) qui, en plus de ne même pas coller aux lèvres (insupportable !) sont parfois complètement à côté de la plaque niveaux ton et traduction, ce qui donne des dialogues creux et inutiles au possible. Cet inconvénient est d’autant plus fâcheux qu’il gêne réellement l’adhérence du spectateur à l’histoire, celui-ci est sans cesse « sorti » du film  à cause du manque de crédibilité des doublages qui n’ont pas fini de le faire fulminer. En revanche, la musique rock qui rythme Return Of The Living Dead est absolument géniale et soutient l’atmosphère eighties qui se dégage du film de manière très efficace et véritablement plaisante.

Comme je l’ai signalé dans l’introduction, Return Of The Living Dead multiplie les références à Night Of The Living Dead ; en déclarant par exemple que ce dernier est basé sur des faits réels, ou en montrant les personnages s’efforcer de suivre les conseils de Romero en détruisant le cerveau du premier zombie auquel ils sont confrontés… Ces quelques détails pourraient être fort réjouissants pour les fans si le scénario n’en profitait pas pour lancer quelques petites piques au Père des morts-vivants… En effet, après le litige qui l’opposa à George A. Romero, John A. Russo décida de prendre le large et de mener sa propre carrière zombiesque. Désireux de revendiquer sa paternité du chef-d’œuvre de 1968 et par la même occasion de se le réapproprier, il écrivit le scénario de Return Of The Living Dead qu’il présenta comme la suite directe du premier film. Bref, tout cela pour dire que la rancœur qui émane de ces basses attaques gâche quelque peu l’effet escompté, et qu’au final les références à Night Of The Living Dead ont un arrière-goût faisandé dont le film aurait largement pu se passer. D’ailleurs, si on va par là, la scène durant laquelle les personnages se barricadent dans le crématorium d’Ernie relève plus du plagiat raté que de la caricature de Night Of The Living Dead : le film s’attarde de la même façon sur les moyens mis en œuvre par Spider et ses comparses pour bloquer les portes, les fenêtres, etc. John A. Russo, ou l’art de cracher dans la soupe qu’on est justement en train de bouffer…

Return Of The Living Dead est donc un film divertissant, avec de bonnes idées et une mise en scène joyeusement fun, qui parvient malgré ses faiblesses à tirer parti d’un humour décalé qui érige les zombies au digne rang de clowns grotesques uniquement là pour nous faire marrer. Le reste de la saga ne sera malheureusement pas aussi réussi (n’est pas Romero qui veut, n’est-ce pas…) mais le film de Dan O’Bannon a néanmoins le mérite d’avoir offert un traitement différent et original à cette figure monumentale du cinéma d’horreur qu’est le zombie, là où d’autres se contentaient d’user de codes tombés en désuétude. A voir ou à revoir en fin de soirées conviviales où la bière coule à flot !

Par Emmanuelle Ignacchiti

Quitter la version mobile