Réaliser un film portant sur la possession et l’exorcismes n’est pas un chose facile. Tout le monde a encore en tête le film de William Friedkin ( L’Exorciste ) qui reste aujourd’hui encore la référence principale en la matière. Scott Derrickson (dont c’est la deuxième réalisation après Hellraiser 5) mise ici juste : il n’entend pas imiter l’œuvre de Friedkin mais il adapte plutôt une histoire vraie en choisissant une autre voie : celle du réalisme.
Le film est adapté de l’histoire vraie d’Anneliese Michel, une jeune allemande emprise à des phénomènes spectaculaires dans les années 1970. Depuis sa naissance le 21 septembre 1952, Anneliese Michel mena d’abord une vie normale, caractérisée seulement par une grande piété. Du jour au lendemain, sa vie bascula. Un jour de 1968 elle commença à trembler et à ne plus savoir contrôler son corps. Lors de ses crises, elle perdait sa voix, ne pouvait plus appeler ses parents pour leur demander de l’aide. Un neurologue diagnostiqua qu’elle souffrait d’épilepsie et elle fut admise à l’hôpital pour un traitement.
Après ses premières attaques, elle crut voir des visages démoniaques en train de grimacer lors de sa prière quotidienne, elle avait aussi l’impression d’entendre des voix. Anneliese en parla aux médecins qui ne savaient plus comment l’aider. Au début de l’année 1973, les parents d’Anneliese demandèrent à plusieurs prêtres d’exorciser leur fille, mais ils pensaient qu’il lui suffisait de continuer de prendre ses médicaments. De plus, pour pratiquer un exorcisme, il fallait que la personne possédée répondît à des caractéristiques bien spécifiques : parler une langue qu’elle n’avait jamais apprise, avoir des pouvoirs surnaturels et se sentir gênée par des objets religieux. En 1974, un prêtre l’examina et accepta qu’on pratiquât un exorcisme, mais sa hiérarchie le lui interdit. Son état alors empira et les crises devinrent de plus en plus violentes. Elle insultait les autres membres de sa famille, les battait et les mordait.
Elle refusait de manger, prétendant que les démons ne lui permettaient pas de le faire. Elle dormait à même le sol. On pouvait l’entendre toute la journée en train de hurler, de briser les crucifix et de détruire des peintures représentant Jésus. En 1975, après avoir vérifié l’état de sa possession, le clergé autorisa un exorcisme fondé sur le rituel romain. L’église pensait qu’Anneliese était possédée par plusieurs démons dont il fallait la libérer :(Lucifer, l’empreur romain Néron, Cain, Judas, le père Fleischmann et Adolf Hitler).
A partir de 1975, on pratiqua un ou deux exorcismes sur elle chaque semaine. Parfois, les crises étaient tellement fortes qu’il fallait trois hommes pour la maîtriser si on ne l’enchaînait pas. Malgré cela, elle put reprendre un semblant de vie normale (retourner à l’école, passer un concours…). Cependant, les crises ne cessèrent pas. De plus en plus souvent elle se trouvait paralysée et inconsciente. Elle refusait complètement de manger. Ses nombreuses génuflexions (plus de 600 de suite), provoquèrent une rupture au niveau des genoux. Quarante cassettes audio furent enregistrées lors des exorcismes afin de conserver les détails.
Le dernier exorcisme eut lieu le 30 juin 1976. À ce stade, Anneliese souffrait d’une pneumonie. Elle avait le visage émacié et souffrait d’une grande fièvre. Elle était exténuée physiquement. Mais elle restait consciente de sa situation. Sa mère enregistra sa mort. Un procureur fit alors une enquête à la suite de laquelle les deux prêtres exorcistes et les parents d’Anneliese furent inculpés de négligence ayant entraîné la mort (car les médecins affirmaient qu’elle était épileptique et psychotique). Les prêtres exorcistes firent écouter des enregistrements des différents exorcismes qu’ils avaient pratiqués, au cours desquels ils affirmaient pouvoir distinguer la voix de deux démons en train de se disputer, se demandant lequel des deux partirait le premier du corps d’Anneliese.
Les parents et les deux prêtres furent condamnés à 6 mois de prison.
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Ce film mélange une histoire de procès ( comme les américains aiment tant le faire ) : celui du prêtre et les flashs-backs évoquants la vie et la mort d’Emily Rose. Le film s’organise donc ainsi: on assiste au procès et à chaque fois qu’un témoin passe à la barre, on a droit à un flash-back qui montre une partie de l’évolution de la possession d’Emily. Le concept est certes original, mais il résulte de cela un grave problème : chaque fois que la tension monte, que la peur naît et commence à se faire ressentir, le film revient au procès et coupe tout élan émotionnel possible.
La scène finale de l’exorcisme est en tous points étonnante : les réactions de la génialissime Jennifer Carpenter y étant pour beaucoup. Tout dans le jeu de l’actrice est parfait et elle oscille merveilleusement bien entre la démence et les phases d’après possession. Le traitement hyper-réaliste de la possédée et de l’exorcisme mettent en valeur l’actrice : en effet, ici tout est froid, tout est réel, de telle manière que l’on ne sait jamais trop si Emily est en train de faire une crise d’épilepsie ou si elle est vraiment possédée. Tout ce que fait Emily avec son corps dans le film, Jennifer Carpenter l’a fait sur le plateau. Plus étonnant encore, tous les sons que la jeune femme émet, l’actrice les a émis ! Et c’est cette volonté de réalisme et de crédibilité qui fait la force de ce film et qui rend les passages où on voit l’héroïne en pleines crises ambiguës et angoissants ; Jennifer Carpenter y est d’ailleurs pour beaucoup, avec son visage très particulier et son regard qui vous glace le sang.
Le long métrage est dopé par une relation accusé/avocat qui évolue et qui gagne en puissance. Au travers elle, le spectateur passe du scepticisme à la possibilité de manifestations du surnaturel symbolisés par les deux personnages. Le film s’interroge sur l’existence de Dieu, et par la même du Diable. Laura Linney (La prophétie des ombres) est loin d’être réellement convaincante dans son rôle d’avocate en pleine crise spirituelle tout comme le père Richard Moore (Tom Wilkinson), un personnage bien trop cliché pour être crédible. Deux stéréotypes très mal rôdés qui retirent un peu de prestance à l’ensemble.
Le scénario est en réalité le gros point faible du film, puisqu’il développe des sous-intrigues inutiles ( l’avocate est elle aussi menacée par le malin .. ) au détriment des personnages principaux (difficile de s’identifier à Emily puisqu’on a à peine le temps de la connaître avant la possession). Derrickson n’est donc pas à la hauteur. C’est dommage car Jennifer Carpenter offre une prestation impressionnante, et que quelques (rares) passages sont vraiment terrifiants.