Pas facile de donner une suite au plus grand film d’horreur de tous les temps (oui, on n’a pas peur de le dire). Car l’Exorciste a mis tout le monde d’accord lors de sa sortie en 1974 : les professionnels du cinéma et de l’art, l’auteur du livre dont est adaptée l’histoire William Peter Blatty ainsi que le public. Le film de Friedkin avait réussi à illustrer avec génie l’éternel combat du bien contre le mal, avec un cinéma sans concession qui reste dans les mémoires.
C’est sans surprise, que Warner Bros a commandé une suite quelques mois après la sortie, et n’a pas hésiter à lui donner le plus gros budget jamais accordé à un film. Quand on voit le résultat, on peut se dire que c’est un beau gâchis. Pour réaliser cette suite, la firme est allée chercher John Boorman, réalisateur du très bon Délivrance (1972) mais aussi du très mauvais Zardoz (1974) (on vous recommande le visionnage, juste pour le costume de Sean Connery : un sublime slip rouge en cuir !). Et la production n’a pas été facile : le réalisateur s’est retrouvé au milieu de comédiens qui ne lui facilitaient pas la tâche. Linda Blair (Regan), qui était de retour 4 ans après, avait notamment refusé de se faire mquiller, comme dans le premier film. Le nombre de scènes de possession est donc très limité, et celles-ci sont soit assurés par une doublure, soit arrangées avec des effets spéciaux cheap.
Même si L’Exorciste 2 : L’Hérétique est une suite directe, le film est radicalement différent du premier opus, sur tous les aspects. On trouve en effet ici de nombreuses inspirations artistiques, de lumière, de mise en scène de très mauvais goût. La stylisation et les décors sont cruellement marqués par leur époque et peu réalistes, on n’y voit qu’une succession de plans kitsch. Mais le scénario pose aussi problème, tant il comporte des trous béants : où est passée la mère de Regan ? Ici, elle est remplacée par la psychologue (si, si !). Qu’en est-il du père Karras ? Pourquoi personne n’en parle ?
Alors oui, on comprend ce que John Boorman a tenté de faire : au lieu de l’horreur frontale, il a cherché à différencier son film avec un style fantastico-onirique. Et même si les quelques minutes du début peuvent faire illusion, et passée le plaisir de retrouver Regan, le film finit par nous lasser à partir de la première demi-heure à cause d’un rythme trop lent. Lorsque le prêtre débarque en Afrique sur les traces de Pazuzu, c’est là que le film nous perd complètement : une séquence de vol à dos de sauterelle (?!), des décors en carton, une quête qui traîne en longueur… On prie Dieu pour que le film d’arrête. Mais ce n’est pas fini…
Le final nous ramène en Amérique sur les traces du premier film, pour un affrontement poussif entre Pazuzu et le camp du bien. Le constat est assez triste : on a l’impression que le réalisateur ne sait pas où il va, il passe de la pseudo enquête sur la mort de Merrin (effaçant purement et simplement son collègue Karras, pourtant plus important que lui dans le premier film) à l’hypnose collective aux dons divinatoires sans aucune cohérence. Pourtant, il faut avouer que l’un des aspects de l’histoire aurait pu être intéressant (Regan est une des élues capables de purifier le monde, et Lamont est censé la protéger).
Totalement bancal, L’Exorciste 2 : L’Hérétique reste très justement dans les mémoires comme un film râté, parfois risible, rarement intéressant mais il laisse surtout une immense impression de gâchis.