Comment faire suite à un chef-d’œuvre absolu du cinéma d’horreur, et pour l’auteur de ses lignes, du septième art tout court ? C’est la question que s’est posée surement de nombreuses fois Tobe Hooper, le réalisateur de l’incontournable « Massacre à la tronçonneuse » paru en 1974, un film ayant eu un impact sans précédent sur le cinéma de genre. Œuvre matricielle du film de rednecks dégénérés, film ayant érigé la tronçonneuse comme bien plus qu’un outil de jardinage, film si dérangeant qu’il fut frappé du sceau de film X à sa sortie en France et interdit dans de nombreux pays, mais film ayant connu un succès démesuré au vu de son budget ridicule… Nombre de livres ont été écrits sur ce long-métrage phénomène qui a changé la face du cinéma d’horreur (et du Texas).
Mais Tobe Hooper avait de la suite dans les idées lorsque douze ans plus tard, il s’attelle à la suite de son œuvre culte en lui donnant sobrement le titre de « Massacre à la tronçonneuse 2 ». On pouvait légitimement s’attendre à la même ambiance poisseuse et anxiogène que son illustre prédécesseur. Il n’en est rien, Hooper effectue un virage à 180 degrés en termes d’intentions cinématographiques. Ainsi ce deuxième volet autour de la famille cannibale Sawyer s’éloigne de son modèle à tous points de vue : fini le Texas terrifiant et ses dégénérés nihilistes créés en pleine période de guerre du Vietnam où l’Amérique vit des heures extrêmement sombres. Le réalisateur propose ici une pure comédie horrifique.
Produit par le studio Cannon auquel on doit les fleurons des séries B les plus « typiques » des années 80 (« Bloodsport », « Invasion USA », « Cobra », « Over the top », « Les Barbarians » etc.), « Massacre 2 » se vautre dans l’exubérance la plus totale. Alors certes Leatherface est toujours là, et vous verrez de la tronçonneuse, plein, mais on fait également plus ample connaissance avec la famille Sawyer. C’est par ce biais que ce « Massacre » se révèle être une vraie série B totalement décomplexée. Le scénario n’est qu’un prétexte à aligner des morceaux de bravoure mêlant humour noir, voir graveleux, et gore rigolard grâce aux effets de Tom Savini. On suit la quête de vengeance de l’oncle de deux des victimes de Leatherface lors du premier film. Ce ranger est joué par un Dennis Hopper en roue libre comme rarement, surement bourré de coke durant le tournage vu son jeu on ne peut plus exagéré.
Mais l’idée de génie de Hooper est d’introduire le personnage de Chop Top, joué par l’excellent Bill Moseley. Avec son look improbable de malade mental revenu du Vietnam avec une plaque de métal dans le crâne et des dents pourries, c’est lui la vraie révélation du film. Il est à l’image du long-métrage : complétement over the top, bourré d‘humour noir, et parfois parfaitement débile. On est donc à mille lieux du style poisseux et réaliste du premier opus, ici tout est prétexte à pousser les curseurs à fond. On passe d’une scène de poursuite en voiture qui finit en bain de sang, à l’attaque rageuse d’une station de radio, à un duel de tronçonneuses dans des tunnels souterrains désaffectés sans que tout cela n’ait vraiment de sens et encore moins de ligne directrice.
L’intégralité (ou presque) des critiques a défoncé « Massacre 2 » à sa sortie, et oui le film est totalement imparfait mais aussi parfaitement sympathique. Cependant, honnêtement, comment Tobe Hooper aurait-il pu faire aussi bien que l’original ? Il savait pertinemment que c’était impossible et son parti pris s’est avéré payant avec le temps, puisqu’aujourd’hui « Massacre 2 » est considéré comme une des meilleures séries B des années 80 pour peu que l’on adhère à l’humour scabreux et au gore potache. Après lui suivront par exemple « Evil Dead 2 », qui empreinte la même trajectoire que pour les « Massacre » : un premier volet sérieux et anxiogène suivi d’un deuxième qui mise tout sur l’humour et le gore poussés au maximum. On citera également « Bad Taste », « Braindead », « Killer Klowns from outer space »… Alors force est de constater que Tobe Hooper a encore une fois eu de l’influence sur un pan du cinéma d’horreur, même si ce film est certes sans aucune mesure comparable à l’intouchable et extrêmement influent « Massacre à la tronçonneuse » de 1974.
Par Mad Sam