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Night Fare

Cinéaste passionné propulsé par l’inénarrable Luc Besson, Julien Seri a toujours eu à cœur de rester fidèle à ses amours filmiques… Et si l’univers philosophico-martial du réalisateur des Yamakasi, des Fils du vent et de Scorpion peut paraître hermétique aux prétendues gens de bien, nul ne saurait lui reprocher son manque d’authenticité. Parce qu’il veut s’imposer comme un metteur en scène influencé par le cinéma de genre américain dans un système de production français parfois sclérosé par son manque d’audace, c’est en recourant au financement participatif que Julien Seri est parvenu à boucler le budget de son quatrième film… Présenté comme un thriller d’action spectaculaire”, force est de constater que Night Fare s’est montré à la hauteur, certes modérée, de nos espérances.

L’œuvre suit la déroute de Luc (Jonathan Demurger), dealer parisien médiocre, et de son ami, Chris (Jonathan Howard). Ce dernier, originaire de Manchester, est revenu en France deux ans après un départ dans des circonstances troubles. Une tension manifeste les tiraille : Ludivine (Fanny Valette), l’ex-petite amie de l’anglais, est désormais en couple avec Luc. Si, compte tenu des circonstances, les deux hommes comptaient renouer des liens au cours d’une nuit animée, ils ne s’attendaient pas à être traqués par un chauffeur de taxi mutique (Jess Liaudin) à qui ils doivent une course… Le compteur ne s’arrête jamais de tourner.

Malgré son apparente simplicité, l’écriture de Cyril Ferment, Pascal Sid et Julien Seri n’est pas dénuée de finesse. Oscillant entre des scènes de chasse humaine partiellement hystériques et des instants de répit précisant les tourments de la relation entre les deux personnages principaux, Night Fare ne souffre que de rares problèmes de rythme,  dus aux aspects fatalement cycliques d’une telle formule. Relecture de Duel de Steven Spielberg, Night Fare ne s’embarrasse pas de fragments inutiles : Julien Seri adopte un style efficace en employant mise en scène et direction artistique pour caractériser ses personnages. Les excroissances tentaculaires et désertiques de la banlieue parisienne constituent un protagoniste à part entière, soulignant la solitude et la vacuité existentielle de Luc et de Chris – et rappelant par la même occasion l’une des influences avouées du cinéaste français : Collateral, de Michael Mann.
Jouissant d’une photographie très stylisée dirigée par Jacques Ballard, et dont les aspects baroques (saturation des couleurs, usage orné de la lumière) pourraient évoquer les derniers films de Nicolas Winding Refn, Night Fare semble s’ériger en exercice de style, démontrant les vertus de la passion face à la modestie des ressources financières. Soulever la vanité, voire la vulgarité des certains artifices esthétiques serait, dans ce cas précis, oublier leur adéquation avec les aspects pulp du récit.

Mais cela constitue, pourtant, l’un des symptômes les plus pénibles du caractère paradoxal du long-métrage. Production modeste – bien qu’enthousiaste – à l’ambition démesurée, Night Fare est  meurtri par son manque de modération. Et ce rejet de la moindre simplicité se traduit par quelques bribes aléatoirement chorégraphiées, un usage blâmable de la langue anglaise pour atteindre un public international et un final aussi illégitime qu’ubuesque, aux révélations décevantes et à la moralité douteuse – pari audacieux qui tranchera nettes les opinions. Julien Seri prône, dans ce dédale de décadence, un retour aux valeurs tout en flattant les instincts morbides du spectateur. D’aucuns regretteront que le scénario ne s’en soit pas tenu au divertissement nerveux, sanglant et presque racoleur que la communication du film semblait promettre, plutôt que de prétendre à une ambition philosophico-prêcheuse.

Mais ce serait faire grand cas d’une œuvre autrement sincère, qui ravira potentiellement les êtres qui iront la découvrir le 13 Janvier. Rythmé par une bande-originale signée Alex Cortés et agrémentée de morceaux de Carpenter Brut, Night Fare offre une distraction bienvenue dans le circuit quasi-indépendant français ; et de Christine à The Hitcher, la myriade d’influences qui ponctuent le dernier film de Julien Seri ne seront, pour leur part, jamais en reste.

Par Fabio MDCXCVII

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