Effondrée par la mort de son mari, le docteur psychologue Abigail Tyler décide de poursuivre la recherche qu’il avait commencée. Elle se rend donc à Nome, petite ville d’Alaska où de nombreuses personnes ont mystérieusement disparu depuis les années soixante. Lors de séances d’hypnose, celle-ci se rend compte que toutes les personnes se plaignant de troubles du sommeil déclarent avoir aperçu une chouette qui les observerait chaque nuit depuis leur enfance. Sans le vouloir, le docteur Tyler va alors accumuler des preuves troublantes qui lui permettront de découvrir que les habitants de Nome sont en fait victimes de rencontres du quatrième type…
En partant d’un pitch accrocheur et indéniablement dans l’air du temps (voir Indiana Jones et le Royaume du Crâne de Crystal de Steven Spielberg ainsi que la multitude de documentaires traitant des extraterrestres qui fourmillent sur Internet), Olatunde Osunsanmi (The Cavern) choisit d’utiliser un ingénieux concept mêlant réalité et fiction qui lui permet ainsi d’appuyer son propos d’images d’archives déconcertantes qui viennent semer le trouble dans l’esprit du spectateur. On peut dire que le résultat est pour le moins réussi, Phénomènes Paranormaux tirant toute son efficacité d’une ambiance angoissante et d’une intrigue principale qui parvient à tenir en haleine même les plus dubitatifs d’entre nous.
En effet, Phénomènes Paranormaux se présente d’emblée comme une tentative de reconstitution de faits réels qui se seraient déroulés à Nome il y une dizaine d’années. La séquence d’introduction constitue une sorte d’aparté au film dans laquelle l’actrice Milla Jovovich, parlant en son nom propre, s’adresse directement au public pour le prévenir que certaines scènes seront extrêmement dérangeantes et qu’il revient au spectateur l’entière responsabilité de croire ou non à ce à quoi il est sur le point d’assister. Bien qu’un peu pompeux et inutile, cet avertissement que l’on retrouvera également à la fin du film (mais cette fois-ci de la part du réalisateur) contribue à alimenter l’opacité sur laquellle fonctionne l’œuvre toute entière.
Ainsi, pratiquement toutes les scènes importantes (notamment les séances d’hypnose) sont couplées à des images d’archives via le split-screen qui s’opèrent de manière synchrone à celles que reconstitue le film. Le montage s’avère donc extrêmement précis et méticuleux, s’efforçant de trouver le bon tempo afin de produire un maximum d’impact chez le spectateur. Et le résultat est, disons-le franchement, une vraie réussite ; certaines de ces scènes sont réellement impressionnantes, tant la sensation que quelque chose de complètement fou est en train de se produire sous nos propres yeux demeure puissante. Ce concept de documentaire visant à confondre réalité et fiction comporte néanmoins un inconvénient, et non des moindres… En effet, s’il permet au réalisateur d’appuyer la véracité de son propos, qui s’avère déjà très perturbant en soi, il suscite également un processus de distanciation chez le spectateur qui amoindrit fortement sa capacité à se laisser complètement pénétrer par le film. De plus, le rythme déjà plutôt lent de la narration est régulièrement brisé par les intrusions successives de l’interview du docteur Abigail Tyler menée par Olatunde Osunsanmi, durant laquelle celle-ci livre sa version personnelle des faits dont elle et sa famille ont été victimes. De ce fait, le public ne parvient jamais à véritablement oublier sa position spectatorielle, et reste pour ainsi dire constamment « en-dehors » du film.
Fort heureusement, le réalisme frappant de ces images d’archive a néanmoins pour effet de nous atteindre sans demi-mesure, et c’est ce qui constitue à mon sens la plus grande force de ce film qui joue sur nos peurs les plus obscures. Si parler d’enlèvements d’êtres humains par des extraterrestres déguisés en chouette et réussir à faire le lien avec la langue sumérienne et la religion monothéiste était déjà un pari qu’il fallait oser, nous y faire adhérer relève encore plus de l’exploit… En effet, c’est un véritable paradoxe, mais plus les propos tenus par les personnages semblent irrationnels, et plus nous y croyons ; ce qui est en partie du au fait que le film touche à quelque chose d’inconnu, limite tabou, et qui entretient encore de vives polémiques au sein des populations. Grâce à une mise en scène soignée qui cultive le mystère sans vergogne, une excellente interprétation des acteurs (soit dit en passant, Milla Jovovich est bien plus crédible en doctoresse mentalement fragile qu’en superwoman bullet-time…) et une bonne dose d’audace, Phénomènes Paranormaux réussit à nous emporter plus loin que nous n’aurions jamais pu l’imaginer tout en balayant les a priori qui délimitent les frontières de notre entendement avec une habileté remarquable.
Ca va loin, c’est clair, mais le fait est que plus le film nous dévoile les clés de son intrigue, et plus nous en réclamons davantage. Le moment où Abbey écoute l’enregistrement de la veille qu’elle a fait quelques minutes avant de s’endormir et qui révèle la présence imprévue d’un être inconnu à ses côtés est une bonne illustration de ce phénomène d’accroche qui se produit tout au long du film. En effet, en plus d’atteindre parfaitement son but (nous glacer le sang), cette scène annonce l’instant fatal où nous ne pourrons plus lâcher l’affaire, car nous en savons déjà trop. C’est grâce à cet élément que l’intrigue va nous mener par le bout du nez jusqu’à la fin, de gré ou de force, et nous convaincre d’assister le docteur Tyler dans son enquête paranormale et ses découvertes de plus en plus déstabilisantes. On regrettera malgré tout que le film en révèle un peu trop lors de son dénouement final (peut-être dans un engouement incontrôlé au moment de l’écriture du scénario), par l’intermédiaire d’un flashback peu vraisemblable qui casse un peu les arcanes de cette histoire qui ne saurait être élucidée par de simples images futuristes qui dépassent notre compréhension.
Quoi qu’il en soit, Phénomènes Paranormaux reste un excellent film d’extraterrestre, aussi intéressant qu’effrayant, et que la forme semi-documentaire aura aidé à obtenir notre entière approbation quant à ce qui nous est donné à voir, aussi étrange et invraisemblable que ce soit. Décidément, nous avons encore beaucoup à apprendre de ce qui se passe aux confins de l’univers… Mais ne comptez pas sur le film pour vous donner des réponses, c’est peine perdue !
Par Emmanuelle Ignacchiti