Claire et Benoît arrivent à la campagne pour vendre la maison de famille dans laquelle le frère de Claire s’est récemment suicidé… Benoît veut lancer au plus vite des travaux afin de vendre au meilleur prix. Claire, dès le premier soir, est persuadée qu’ils ne sont pas seuls dans la maison…
Le cinéma de genre français est souvent désespérant, sans originalité, sans ambition et malheureusement sans moyen, même si ce dernier aspect n’excuse pas forcément tout. Les exemples de véritables réussites sont d’ailleurs assez rares, comme l’illustre assez bien le succès quelque peu relatifs de films comme La Horde, La meute ou Le village des ombres qui n’ont que partiellement su trouver ou convaincre leur public en 2010. Dans ce marasme ambiant, Propriété interdite semble être la bonne surprise hexagonale de ce début d’année. Alors c’est vrai, inutile de préciser que le film a ses défauts et il est d’ailleurs même fortement probable qu’il ne plaira pas à tout le monde. Au delà même du jeu des acteurs qui laisse parfois à désirer et de certaines répliques qui peuvent parfois paraître tirées par les cheveux, c’est surtout les partis pris audacieux d’Hélène Angel qui risquent de surprendre et de déranger les partisans d’un cinéma frileux et conventionnel.
Propriété interdite démarre comme n’importe quel film fantastique de maison hantée, reprenant de manière assez efficace tous les caractéristique d’un genre extrêmement codifié. Vielle demeure au passé mystérieux, bruits étranges au milieu de la nuit, lumières qui s’éteignent soudainement et portes qui se ferment toute seule laissent à penser que Hélène Angel nous entraîne dans le registre assez classique du ghost movie. Alors que l’on ne s’attendait pas moins à une sorte d’Amityville à la française, une chose qui peut d’ailleurs laisser quelque peu sceptique, un rebondissement assez surprenant vient donner au film une toute autre tournure, vraiment originale pour le coup. Faisant fausse route au chemin tout tracé d’une histoire que l’on pensait déjà bien installée dans une routine parfois propre au cinéma de genre, la réalisatrice décide de se moquer des règles du jeu en donnant au danger et à l’effroi une toute autre apparence, plus rationnelle, plus politique. Sans bien évidement révéler la nature de cette surprise, on soulignera juste la très bonne capacité de Propriété interdite à mettre en scène le sentiment de peur là où on ne l’attend pas. L’intéressante représentation d’un couple au bord de la rupture, qu’accompagnent la folie, le refus du deuil et des crises de boulimie particulièrement dérangeantes, provoque peu à peu un sentiment de tension assez désagréable qui vient s’ajouter au malaise déjà mis en place par l’atmosphère angoissante de la maison. En dépit de l’espace relativement clôt qui restreint le champ d’action et de l’usage de procédés en somme assez classiques, Propriété interdite parvient à créer et maintenir une ambiance particulièrement troublante, jouant alors sur les différents registres de la terreur, de la claustrophobie à la peur du noir. Pas surprenant alors que la thématique du cauchemar serve souvent de fil conducteur, chose qu’une scène vraiment excellente qui pourrait presque résumer en elle-seule le film vient confirmer. En mettant en scène de manière efficace et audacieuse la peur dans un univers très codifié, Hélène Angel réalise un film fantastique singulier et ambitieux.
Peut être que cette réussite s’explique par le fait que la réalisatrice semble véritablement connaître le cinéma de genre. Propriété interdite multiplie les références horrifiques et fantastiques et semble installer son récit dans un univers extrêmement codifié. Le schéma restant dans un premier temps assez traditionnel, le film prend en fait l’apparence d’un hommage à tout un pan de la culture cinématographique. L’esprit série B n’est jamais loin, surtout lorsque l’on songe aux tournures parfois volontairement comique qui sont mise en place par Hélène Angel. C’est d’ailleurs dans ce registre particulier que s’inscrit la scène finale ( épique ! ) qui semble répondre de manière ironique à un dénouement brutal. L’aspect volontairement politique du film vient aussi le rattacher a l’une des thématiques phares du cinéma de genre : la peur de l’Autre et la problématique de la possession. La confrontation entre un couple de bourgeois ( avec le maris boursier ou trader ) fraichement débarqué et des présences inconnues et menaçantes illustre bien le débat de fond sous-jacent de Propriété interdite ( titre d’ailleurs ô combien révélateur ) : à qui appartient véritablement cette maison. Si on n’évoquera pas en détail les nombreuses remarques qui peuvent s’ensuivre, il s’agit juste ici de signaler la pertinence du propos d’un film qui parvient à associer assez brillamment cinéma fantastique et réflexions politiques. Niveau mise en scène à proprement parler, Propriété interdite est parfois très intéressant. De très beaux plans viennent fréquemment suggérer de manière efficace une présence externe, comme si quelqu’un surveillait presque attentivement les occupants de la maison. On est agréablement surpris par la photographie du film qui réserve de belles surprises et par le travail au niveau musical, alternant la sobriété d’un thème classique et le dynamisme de seul titre connus réellement utilisé.
Audacieux, anticonformiste et terriblement efficace, Propriété interdite vient réanimer le cinéma de genre à la française, prouvant du même coup que les limites d’un budget ne mettent pas un terme aux idées originales, au culot et au talent.
Par Camille