Documentaire américain qui revient en détail sur toutes les interprétations ou les théories qui entourent Shining de Stanley Kubrick, Room 237 était présenté la au Festival de Gérardmer 2013 après être passé quelques temps auparavant à L’Etrange Festival et à Strasbourg. Par bien des aspects, il y a quelque chose de fascinant dans le film de Rodrey Ascher, qu’il s’agisse des exercices intellectuels auxquels se livrent certains des commentateurs, des analyses parfois farfelues qui prétendent expliquer le sens réel de ce que Stanley Kubrick nous montre ou des nombreuses remarques pertinentes qui permettent de découvrir plusieurs détails qui nous avaient jusque là échappés.
Sans jamais commenter ce qui est avancé par les intervenants ni même défendre une théorie au détriment d’une autre, Room 237 met toutes les interprétations au même niveau, de celles qui paraissent les plus improbables à celles qui semblent un peu plus cohérentes, et juxtapose les points de vue. Cette absence de nuance et de partis pris est vraiment intelligente puisqu’elle souligne à la fois la diversité des théories et le fait que leurs confrontations s’avèrent souvent paradoxales puisque là où certains verront dans Shining des allusions au génocide des amérindiens d’autres auront tendance à y voir des références à l’Holocauste et la Seconde Guerre mondiale.
La lecture des signes ou indices semble parfois reposer sur des critères complètement subjectifs et au final le documentaire débouche sur un seul constat : on peut voir ce que l’on veut dans Shining et lui donner le sens que l’on souhaite. Mais au delà de cette notion de subjectivité que l’on retrouve dans les théories proposées par les intervenants, certains commentaires parviennent tout de même à mettre en lumière des détails que l’on avait jusque là jamais remarqués. La machine à écrire de Jack Torrance qui change de couleurs pendant le film, un personnage qui porte deux pantalons différents lorsqu’il entre dans la pièce et s’y assied, une chaise contre un mur qui disparaît entre deux plans d’une même scène et les motifs en polygone de la moquette qui s’ouvrent ou se referment sur le personnage de Danny sont, à titre d’exemples, certains aspects auxquels on n’avait pas forcément prêté attention auparavant même après plusieurs visions de Shining.
Finalement ce qui est peut être le plus surprenant avec Room 237, c’est de voir à quel point certaines personnes parviennent à décortiquer un film, le connaître dans ses moindres détails, de l’étiquette de la boîte de conserve posée sur une étagère à la localisation exacte de chacune des pièces, tant est si bien qu’ils semblent parfois ne vivre qu’à travers lui. Cohérence ou non de qui est expliqué tout au long du documentaire, on est à la fois admiratif et sceptique vis à vis du travail d’analyse et de reconstitution effectué par certains intervenants qui réussissent notamment à dresser des plans de l’Overlook Hotel et de chacun des déplacements des personnages ou qui ont eut l’idée de superposer le film dans son sens de lecture initial avec celui en inversé pour un résultat assez intrigant.
Cela n’empêche pas de considérer que certaines démarches ou réflexions dépassent parfois la frontière de l’absurde, tant les extrapolations semblent injustifiées et les critères retenus comme des indices improbables. Ainsi, l’une verra apparaître un minotaure dans une affiche de ski et l’autre considérera que Kubrick a tourné Shining pour s’excuser auprès de sa femme du fait qu’il aurait participé à la création des fausses images de la mission Apollo 11. Au delà de ces théories pouvant sembler quelque peu fantaisistes et des éclairages intéressants que le film apporte sur Shining, Room 237 reste avant tout un excellent documentaire sur le la diversité des regards que l’on peut porter sur une oeuvre et sur le sens que l’on veut lui donner.
Par Camille.