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Schizophrenia

Affiche du film "Schizophrenia"

© 1983 Gerald Kargl − Tous droits réservés.

Belle surprise pour refroidir l’été, Schizophrenia (aka Angst) sort enfin chez nous en DVD et Bluray et c’est Carlotta qui s’y est collé, livrant un collector qui apaisera les fans d’une œuvre « culte » au vrai sens du terme: enterré dès sa sortie en Autriche par son distributeur, le film fut ainsi surtout découvert et propagé via VHS par une poignée d’amateurs de sensations hors-normes. Parmi eux, un certain Gaspard Noé décrypte même, avec une honnêteté appréciable, dans l’un des bonus de cette édition l’influence du film de Gerald Kargl sur son entière filmographie, de l’utilisation très particulière de la voix-off (reprise dans une mesure moindre pour son Seul Contre Tous) à la caméra prise comme outil de création d’univers alternatifs, cela à grand coup de mouvements surréalistes et de constructions azimutées.

Erwin Leder, animal…

L’histoire de Schizophrenia, inspirée de faits réels, suit sur moins de 48 heures un type sortant de prison. Le prologue, en nous retraçant sa vie d’écorché psychopathe, nous a déjà bien préparé : l’homme souffre de pulsions que 10 ans de mitard ne peuvent soigner et ce retour à la civilisation ne sera que provisoire. Une courte escapade en forme de décharge sanglante, ruminée depuis une éternité, avant de revenir entre quatre murs. A l’abri des autres. A l’abri de lui-même.

Le montage donne presque l’impression de temps réel : à l’air libre depuis deux minutes, l’homme est déjà dans un café, dévorant son épaisse saucisse allemande comme un affamé en fixant deux jeunes femmes aguicheuses. Même en restant muet, notre personnage principal est le maniaque total, l’interprétation d’Erwin Leder (Das Boot, Taxidermia) y est fascinante et quasi-animale. Après avoir vainement tenté de tuer la conductrice d’un taxi lors d’une séquence en apesanteur surréaliste, une fuite à travers les bois, portée par la musique hypnotique de Klaus Schulze (Tangerine Dream), le conduit à une grande bâtisse isolée. Un terrain de jeu idéal pour décharger ses pulsions une fois les occupants rentrés (soit une jeune femme, un handicapé et une vieille dame).

Un home invasion qui préfigure le Funny Games de Haneke

Plus extrême et déviant qu’un Henry, Portrait of a Serial Killer par son apparente absence de sens, Schizophrenia est une pure œuvre alternative, un véritable choc formel et esthétique. Son réalisme et sa grisaille de petite ville autrichienne sont contrebalancés par des idées avant-gardistes contaminant montage et mise en scène. Le système de proto-steadycam harnaché à l’acteur principal couplé à une image filmée au travers d’un miroir crée ainsi un sentiment permanent de déconnection du monde réel et nous plonge dans le mental fébrile et prêt à imploser du tueur. La voix-off, véritable litanie intérieure, reprenant des bouts de journal du vrai serial killer (Werner Kniesek), accentue une immersion qui devient parfois vertigineuse en s’écartant du présent. Ainsi, en évoquant ses souffrances de jeunesse alors qu’à l’écran le tueur étrangle sauvagement sa victime, le narrateur réussit à créer une empathie malsaine envers le malade mental.

En pleine fuite en avant, le coffre rempli de souvenirs…

Bien que peu démonstratifs côté effets sanglants, les meurtres restent marquants, ces séquences hystériques s’étirant longuement pour éprouver un peu plus le spectateur. On est bien loin du gore démonstratif et finalement très anesthésiant des grosses productions actuelles.

Ce trip glauque jusqu’au-boutiste plongeant le spectateur dans la psyché d’un détraqué, stigmate malsain de l’impuissance des systèmes judiciaires et médicaux, les eighties autrichiennes n’étaient peut-être pas prêtes à l’encaisser et Gerald Kargl en aura pour ses frais, se contentant par la suite d’une carrière dans la publicité. Amateurs de films tordus et d’oldies déviantes, Schizophrénia est un must et cette nouvelle édition (Bluray comme Dvd) est inratable !

News par Alex B

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