En compétition lors du festival de Gérardmer, Sea Fever avait de quoi se démarquer : pas de malédiction, pas de démon, pas de maison glauque ou de psychopathe en vue et une volonté écologique militante. Et pourtant, Sea Fever est l’une des plus grandes déceptions du festival. Le film avait toutes les cartes en main pour proposer quelque chose d’osé : un huis clos, un décor marin, une forme de vie inconnue, un groupe isolé en mer possiblement en proie à la folie (un thème très attendu après l’incroyable The Lighthouse). Bref, beaucoup de possibilité de faire un chef d’œuvre mais Sea Fever les esquive toutes très grossièrement.
L’effet huis-clos est bousillé par une scène d’ouverture sur le continent sans aucun intérêt. Le décor marin est très peu approfondi malgré des images éparpillées extrêmement belles (le point fort du film) mais dont la plupart n’ont aucune pertinence avec le scénario et tombent comme un cheveu sur la soupe. La forme de vie étrange devient trop vite connue et comprise par les personnages, on a l’impression que plus rien ne les surprend ou ne les effraie. Quant aux relations développées dans ce bateau, elles n’ont rien de bien recherchées. Quelques interactions sont intéressantes et inattendues mais globalement les personnages manquent de charisme et les acteurs eux-mêmes ne semblent pas convaincus par le film. Bref, Sea fever est complètement passé à côté de son potentiel et tous les aspects du film semblent bâclés.
Malgré tout on ne peut pas considérer Sea Fever comme un mauvais film. Le scénario de base est intéressant et certaines scènes et choix visuels sont très qualitatifs. On a l’impression que la réalisatrice a longuement hésité entre l’originalité et l’efficacité et qu’à trop chercher à faire les deux, rien n’en est ressorti. Sea Fever se veut trop original sur certains éléments (des thèmes humains et écologiques développés sans aucun fondement et aucune pertinence) et trop conformiste sur de nombreux points (trop d’explications, trop de révélations, pas assez de mystère). Cette oscillation entre les deux extrêmes provoque une sorte d’ascenseur émotionnel constant mais donne une impression globale de médiocrité qui laisse de marbre. Sea Fever avait le potentiel pour se situer à mi-chemin entre Alien et Abyss mais le film préfère jouer la carte de la sécurité et se fond dans la masse des films oubliables. Audacieux, inédit et unique, et pourtant particulièrement banal, bâclé et raté.
Par Joanny Combey