Derrière chaque femme se cache un combat. C’est avec cette phrase qu’on pourrait résumer “She Will”, premier long métrage de la réalisatrice Charlotte Colbert. La franco-anglaise de 39 ans, également scénariste et photographe, a co-écrit le film. “She Will” a été présenté pour la première fois au Festival de Locarno en 2021, et c’est là que Dario Argento, impressionné par le long-métrage, a décidé d’en devenir l’un des producteurs. Une aubaine pour la notoriété de l’oeuvre, dont les affiches sont désormais estampillées par le nom du célèbre roi du Giallo.
Après avoir été présenté à Gérardmer en début d’année, “She Will” est prêt pour une sortie dans les salles obscures le 30 novembre 2022. On suit ici l’histoire de Veronica Ghent : après avoir subi une double mastectomie, elle part se reposer dans la campagne écossaise en compagnie de son infirmière. C’est le début de sa convalescence mais également d’un voyage horrifique pour le spectateur. Car Veronica va se questionner sur ses traumatismes et leur faire face.
Avec un casting à la fois composé de visages reconnus comme Alice Krige, Rupert Everett et Malcolm McDowell mais aussi des révélations comme Kota Eberhardt, “She Will” fait reposer son récit sur la puissance des personnages : ici, les acteurs connus s’effacent au profit d’archétypes très forts, soigneusement construits par la réalisatrice. Chaque rôle est bâti à contrepieds par rapport à ce que le spectateur attend. Sitôt de décor planté dans les 20 premières minutes, Charlotte Colbert prend plaisir à déconstruire nos certitudes pour faire progresser ses personnages, et surtout leurs relations. Par exemple, l’héroïne, une femme d’âge mûr, froide et distante va s’avérer touchante, profonde et haumaine et sa quête vers la vérité nous transporte bien plus loin qu’attendu.
Drâme Nature
La portée universelle du personnage de Véronica, ses luttes, ses questionnements et aussi ses instincts portent le long-métrage, et contribuent fortement à l’identification du public. Sa portée politique, c’est un peu la cerise sur le gâteau qui rend le propos on ne peut plus moderne. Tout cela avec une subtilité et une classe rarement observée au cinéma. On voit déjà que Charlotte Colbert est une grande cinéaste : dans sa manière de filmer les corps, surtout celui de son héroïne âgée, qui peine à se le réapproprier après un cancer du sein. “She Will” aborde la féminité avec un angle crucial et impartial : il n’est pas ici question de séduction ou de frivolité, mais de l’angoisse de ne pas pouvoir être soi, et de se reconnecter avec son identité.
En montrant la sorcellerie sous un aspect positif et proche de la nature aussi bien au niveau métaphorique que fantasmatique, la réalisatrice touche juste. Tout cela est illustré par une photographie sublime, où la campagne Ecossaise apparait comme un écrin parfait à cette rédemption jubilatoire. Une beauté rare.
Passionnant (mais pas parfait), “She Will” est un 1er film abouti et riche dans son propos et dans sa forme. On aime la tournure que prend le cinéma d’horreur, quand il devient plus subtil et qu’il s’intéresse au monde d’aujourd’hui. A l’instar de “Saint Maud”, ou de “The Power” on aime aussi que les femmes réalisatrices se fassent une place de plus en plus importante dans le cinéma de genre pour explorer des thèmes trop souvent délaissés.