Sharon est une petite fille qui souffre de fréquentes crises de somnambulisme au cours desquelles elle rêve de Silent Hill, ville fantôme ravagée par un incendie trente ans auparavant. Pour l’aider à comprendre ce mystère, Rose, sa mère adoptive, décide de l’emmener sur place. Suivie par une policière nommée Cybil, Rose tente de la semer mais a un accident de la route et s’évanouit. A son réveil, Sharon a disparue. Rose et Cybil vont alors tout faire pour la retrouver et percer le terrifiant mystère qui hante Silent Hill…
Ces temps-ci, il faut dire que les adaptations cinématographiques de jeux vidéos sont monnaies courantes et même bien plus encore ; nos écrans de cinéma sont littéralement envahis par ces blockbusters infâmes où le spectaculaire vient à la rescousse d’un terrible vide scénaristique. Il y a tout d’abord eu Double Dragon de James Yukich en 1994, puis Mortal Kombat de ce cher Paul W. Anderson en 1995, et plus récemment Hitman du français Xavier Gens, Alone In The Dark du nanar-addict Uwe Boll ou encore la saga des Resident Evil (toujours de ce cher Anderson) et autres Max Payne tous plus creux les uns que les autres.
C’est donc dans ce triste paysage que débarque Christophe Gans comme un véritable boulet de canon, bien décidé à renverser la tendance dominante de médiocrité qui règne en maître depuis presque vingt ans. Déjà fort d’une adaptation plutôt bien gaulée du manga Crying Freeman en 1995, il casse carrément la baraque avec Silent Hill, version ciné de la série de jeux vidéos du même nom développée par Konami depuis 1999. Et là… Attention les yeux !
En effet, mis à part son concept, Silent HillI ne ressemble en rien à ses prédécesseurs. L’élément fort du film reste sans aucun doute son esthétique somptueuse bénéficiant d’un travail remarquable tant sur les décors que sur la photographie. C’est avec un esprit du détail particulièrement poussé que le réalisateur du Pacte Des Loups s’est affairé à reconstituer un univers fidèle à celui du jeu, extrêmement sordide et malsain où ne règnent que mort et désolation.
De par l’ingéniosité des changements d’ambiance s’opère une distinction radicale entre les trois dimensions entremêlées au cœur de Silent Hill : tout d’abord, la ville en ruines telle qu’elle est perçue dans la réalité, détruite par l’incendie et abandonnée ; la ville-fantôme, submergée par un épais brouillard et une pluie de cendres oniriques, et enfin la ville peuplée par les Ténèbres où tout n’est que rouille, ferraille, chair putride et sang souillé.
Par ailleurs, l’excellent jeu sur les couleurs, les ombres et la lumière permet également au spectateur de différencier sans difficulté aucune ces trois dimensions qui s’opposent tout au long du film : la réalité « vraie », agrémentée de teintes chatoyantes à la clarté rayonnante (celle du mari de Rose qui la cherche sans relâche avec l’aide de la police locale) ; et les deux autres réalités parallèles de Silent Hill dans lesquelles sont piégées Rose, Cybil et Sharon, où tout est tantôt froid et opaque, tantôt sombre et morbide.
La bande-son est quant à elle très sophistiquée et contribue à alimenter l’atmosphère angoissante élaborée par le montage des images. Alliant rythmes électroniques qui laissent pressentir la menace imminente tapie au centre de la ville de Silent Hill et notes de piano mélancoliques qui tendent à symboliser l’enfance et l’innocence, la musique du film, très présente, assure une parfaite harmonie entre le son et l’image.
Cette osmose extra-diégétique se trouve sublimée par les mouvements de caméra sémantiquement très riches et du plus bel effet. Les plans sont souvent très élaborés et parfaitement maîtrisés à l’instar des effets spéciaux qui confèrent au bestiaire de Silent Hill un designbien glauquetrès convaincant.
Le scénario, largement inspiré de l’histoire du premier jeu Silent Hill (à quelques petites modifications près), reste parfaitement abouti est très efficace : entre des scènes d’horreur pure où la fragile héroïne est attaquée par des monstres de l’Enfer et d’autres d’ordre plus psychologique, Silent Hill parvient à tenir en haleine du début à la fin. Amour, haine, innocence et culpabilité sont quelques-uns des nombreux thèmes antithétiques que met en forme cette œuvre magistralement réalisée.
Silent Hill est donc un incontournable du genre horrifique, efficace tant du point de vue esthétique que diégétique et qui parvient sans mal à rehausser le niveau qualitatif du concept d’adaptation cinématographique de jeux vidéos, qui s’enfonce toujours un peu plus depuis belle lurette.
Par Emmanuelle Ignacchiti