D’aucuns pourraient pécher par excès de chauvinisme en disant que le français est une langue sublime. Malgré cela, nulle autre expression que la suivante ne saurait servir d’introduction :
« C’était plutôt sympathique »
Composé de dix segments réalisés par des icônes naissantes du cinéma d’horreur (The October Society, sous l’égide d’Axelle Carolyn), Tales of Halloween propose une déclaration d’amour au genre, exquisément gore et regorgeant de surprises, de caméos appréciables – de John Landis à Joe Dante, en passant par Mick Garris – et de jumpscares inopinés. Les différents contes prennent place dans une banlieue américaine typique, où carnages impromptus et mystères insolubles prolifèrent…
Si les films à sketches contiennent leur lot de maladresses et de maestria, Tales of Halloween semble déroger à cette règle. Sans doute est-ce dû à la diversité des jeunes talents que l’œuvre exploite – liés, malgré leur singularité, par une direction artistique exceptionnelle harmonisant l’articulation des différentes histoires. Hommage à une époque perdue qui ne sombre jamais dans l’infécondité du spleen, l’anthologie privilégie l’emploi d’effets spéciaux à la viscéralité old school et une mise en scène réminiscente des 80’s ; elle évoque l’aspect baroque de la nuit de Samhain, avec tout ce que la célébration a de plus jouissif et de plus bariolé – à la manière du trop méconnu Trick r Treat. De quoi donner envie au pauvre non-américain qui sommeille en vous de casser la gueule de cette vieille voisine qui avait brisé votre enfance, ce soir du 31 octobre où, candide, vous lui aviez demandé des bonbons… Elle vous avait claqué sa porte au nez en rétorquant d’une voix nasillarde : « Si tu veux des sucreries, il faut travailler ». Connasse, va.
Parfaitement calibré pour la fête qu’il encense, Tales of Halloween s’ouvre sur une séquence signée par un jeune espoir de l’animation horrifique, Ashley Thorpe (The Scary Hands) et est narré par la délicieuse voix d’Adrienne Barbeau (les plus amoureux se précipiteront sur leur copie de The Fog de Big John). Si l’œuvre suscite généralement plus le rire que la terreur, elle demeure – à quelques exceptions près – un divertimento inoffensif et sans prétention, qui enjôlera les groupies des Contes de la crypte et de Creepshow.
À suivre : une micro-critique de chacun des segments. Ne nous remerciez pas.
Sweet Tooth – David Parker :
Deux adolescents effraient un enfant en lui racontant l’histoire d’un maniaque avide de sucreries… qui massacre ceux qui ne lui laissent pas d’offrandes lors de la nuit d’Halloween.
Entre conte horrifique et monstruosités trash, Sweet Tooth est une oeuvre équilibrée et maîtrisée de bout en bout. Teinté d’humour noir, ce segment provoque l’effroi tout en suscitant des plaisirs sadiques, presque coupables.
The Night Billy Raised Hell – Darren Lynn Bousman :
Influencé par un voisin mystérieux, le jeune Billy profite de sa quête de friandises pour multiplier les troubles à l’ordre public.
Réjouissances et humour grinçant : en dépit de l’apparente innocence du scénario, la violence gratuite dont font preuve les personnages pourrait rendre le court légèrement plus subversif que prévu. Le twist final atténue (malheureusement ?) cette impression, en arrachant malgré tout un dernier sourire.
Trick – Adam Gierasch :
Deux couples d’amis, légèrement stoner sur les bords, se retrouvent pour Halloween. Ils ne s’attendaient sûrement pas à être massacrés par des psychopathes en culottes courtes.
Adam Gierasch signe avec Trick le segment le plus glauque de Tales of Halloween. Idéalement placé en troisième position, il conforte de prime abord le spectateur avant de le plonger dans une spirale infernale. Subissons des vasectomies, ligaturons-nous les trompes : les enfants, c’est des saloperies.
The Weak and the Wicked – Paul Solet :
Un gang de petites brutes, mené par une fillette aussi frêle que vulgaire, a mal choisi sa dernière victime…
Quelques plans hypnotiques pour The Weak and the Wicked, générés par des personnages étonnants – peut-être un peu trop pour être crédibles… Si on reste loin de la foirade totale, le segment ne suscite que péniblement un ersatz de frisson, mais était-ce vraiment son objectif ?
Grim Grinning Ghost – Axelle Carolyn :
Une jeune femme rentre chez elle après une soirée. Elle réalise qu’elle est suivie par une entité mystérieuse… Une émanation moderne de la Dame Blanche ?
Grim Grinning Ghost, où le conte qui a fait bondir toute une salle en même temps… Axelle Carolyn, sous couvert d’un récit épuré, prouve qu’elle maîtrise les mécanismes de la terreur.
Ding Dong – Lucky McKee :
L’histoire d’un couple : Il est un homme bon, couard et affable ; elle est une sorcière à l’instinct maternel prononcé.
Ding Dong est une oeuvre intéressante, pleine d’accès de folie. Jamais effrayante, mélancolique en dépit de bouffissures grotesques, elle rend complexe, malgré ses intentions, l’implication émotionnelle du spectateur.
This Means War – John Skipp & Andrew Kasch :
Deux voisins ont une conception visiblement opposée de la fête d’Halloween. L’un admire l’horreur gothique et les canons de la Hammer, l’autre voue un culte au splatterpunk. Les choses dégénéreront lorsque le second se montrera trop bruyant…
Drôle, efficace et perclus de références, This Means War fait preuve d’un dynamisme hautement appréciable.
Friday the 31st – Mike Mendez :
Une relecture du gimmick de la final girl…. avec des extra-terrestres dedans.
Trick or treat ! Friday the 31st est jouissif et princièrement gore. Avec le ton d’un vendeur de produits détachants : “éclats de rire garantis !”.
The Ranson of Rusty Rex – Ryan Schifrin :
Kidnapper le fils de John Landis n’est jamais une bonne idée…
Un conte divertissant qui multiplie les longueurs une fois la première révélation passée…
Bad Seed – Neil Marshall :
Les pérégrinations maléfiques d’une citrouille anthropophage. Mais qu’en pense Joe Dante ?
Ambitieux point d’orgue de cette anthologie, aussi furieux que sanglant. Il serait impensable de gâcher la surprise finale.
Par Fabio MDCXCVII