Difficile d’avoir un avis vraiment tranché sur Skinamarink (The House), petit film phénomène de l’année 2023. Fabriqué avec un budget dérisoire (15 000 dollars seulement), le film est le premier long-métrage de Kyle Edward Ball. Complètement expérimental, on pourrait le comparer à Projet Blair Witch et Paranormal Activity, pour le phénomène créé autour de lui. Comme tout phénomène du genre, on trouve des fans hardcore qui ont adoré le concept, et d’autres totalement hermétiques qui n’ont pas pu supporter plus de 15mn de visionnage.
En effet, sur la forme, on s’éloigne de toute cette dimension sensationnaliste du cinéma d’épouvante. Minimaliste au possible, il faut de la patience et de la concentration pour arriver aux premiers événements intéressants. Car la majorité des plans se limitent à filmer des plinthes, des murs, de la moquette, des recoins obscurs de cette étrange maison, où portes et fenêtres ont disparu. On retrouve ici les qualités et les défauts des films en found footage : un réalisme saisissant, plongeant dans le quotidien des protagonistes, avec une forme parfois indigeste et une désagréable sensation de vide. Le réalisateur Kyle Edward Ball n’en est pas à son coup d’essai. Cela fait en effet des années qu’il met en scène de courtes vidéos sur Youtube, des cauchemars hyper-réalistes dans la veine de l'”analog horror” où des messages cryptiques sont parsemés d’une esthétique basse définition des années 90. On en retrouve tous les aspects dans Skinamarink.
On nous donne également peu d’information sur l’histoire : on sait que cela se produit en 1995. Un frère et une sœur, Kevin et Kaylee, 4 et 6 ans, se réveillent en pleine nuit. Leur papa semble avoir disparu après avoir aidé Kevin victime d’une chute dans les escaliers. Les deux enfants se retranchent alors dans le salon, là où le poste de télévision diffuse de vieux dessins animés en noir et blanc. Il devient peu à peu évident que quelque chose se trouve dans la maison avec eux. Un invité malveillant, présent simplement au moyen de sa voix qui plonge un peu plus les enfants dans l’horreur.
L’image est pixélisée, le son est saturé, les dialogues sont rares, on ne sait pas ce qu’on regarde et pourtant, on se laisse prendre au jeu. Car l’un des aspects les plus intéressants de l’angoisse, c’est qu’elle provient davantage de ce que l’on ne voit pas, que de ce que l’on voit. Cela permet au téléspectateur de projeter toutes ses peurs primitives dans le film : peur du noir, peur de l’abandon, du croquemitaine…
Le sound design est intéressant : les sons et les voix hors cadre font travailler notre imaginaire et contribuent grandement au climat de malaise qui nous tient pendant le métrage. D’ailleurs, la dernière scène, conclusion mystérieuse, glace le sang.
S’agit-il d’un cauchemar d’enfant ? Kevin est-il dans le coma ? Le monstre en question est-il le père ? La mère s’est-elle pendue ? Autant de théories qui circulent sur Internet et qui permettent de démontrer la force principale du film : celle de laisser le spectateur avec ses questions et ses explications. Malgré une durée trop longue et un concept un peu trop étiré, vous serez touchés ou hantés par le film, en fonction de votre sensibilité.