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The Murderer

Affiche du film "The Murderer"

© 2011 − Tous droits réservés.

L’histoire: Yanji, ville chinoise de la Préfecture de Yanbian, coincée entre la Corée du Nord et la Russie, où vivent quelques 800 000 Sino-coréens surnommés les «Joseon-Jok». 50% de cette population vit d’activités illégales. Gu-nam, chauffeur de taxi, y mène une vie misérable. Depuis six mois, il est sans nouvelles de sa femme, partie en Corée du Sud pour chercher du travail. Myun, un parrain local, lui propose de l’aider à passer en Corée pour retrouver sa femme et même de rembourser ses dettes de jeu. En contrepartie il devra simplement… y assassiner un inconnu. Mais rien ne se passera comme prévu…

The Chaser était l’une des grandes claques cinématographiques de 2008, propulsant instantanément Na Hong-jin au rang des réalisateurs sud-coréens à suivre.  Dans The Murderer, sorti cette année et d’ores et déjà disponible chez nous en dvd et bluray, le réalisateur raconte une toute autre histoire tout en gardant des similarités, voire distorsions troublantes avec son premier film.

Gu-nam, à la recherche de sa femme, entre amour et haine

The Murderer garde ainsi les mêmes acteurs, toujours aussi imposants, pour les deux rôles principaux – soit Yun-seok Kim et Jung-woo Ha – et pousse le vice jusqu’à conserver le même rapport de  chassé/chasseur en le replaçant dans un tout autre contexte. Jung-woo Ha passe ainsi de la figure du serial killer traqué par un mac héroïque à celle, aux abois, de dindon d’une farce noire et poursuivie par le chef d’un gang psychotique, incarné par un Yun-seok Kim magistral. C’est simple, à l‘écran, c’est comme si le mac de The Chaser avait embrassé complètement les marges les plus sombres de la société sino-coréenne. Un même mouvement donc, mais un déplacement total de l’empathie du spectateur, le film de traque devenant film de traqué. On notera aussi que dans The Murderer, ce mouvement entre les personnages principaux est encore plus entravé par une masse  d’individus tous aussi lâches et incompétents, qu’ils soient flics, mafieux ou petites frappes. Une médiocrité générale qui finira par engloutir nos deux surhommes.

Le réalisateur replace aussi la figure féminine, ici toute en ambigüité, au cœur de l’intrigue. A nouveau moteur principal de l’histoire et de l’action, son absence pour l’anti-héro renvoie autant à la tragédie qu’à la cruauté d’un mauvais timing.

Pour le reste, en déplaçant l’intrigue sur deux continents, de la Chine à la Corée du Sud, et en multipliant les personnages secondaires, Na Hong-jin perd un peu la spontanéité et la parfaite lisibilité de sa première œuvre. Etiré sur 2h20, le film se vit cependant d’une traite, comme happé par une noirceur et un désespoir de plus en plus étouffant à mesure que le piège se resserre autour du pauvre Gu-nam et que diminue de plus en plus l’espoir de retrouver sa compagne. The Murderer enchaîne alors les poursuites surréalistes et scènes d’une barbarie outrancière – ça saigne un peu plus quand les machettes, voire les bouts de barbaque, remplacent les flingues… – jusqu’à un final aussi minimal que d’une tristesse absolue.

On rira peut-être au nez des critiques se moquant du côté « surréaliste » de certaines poursuites – et qui, au passage, renient (ou tout simplement ignorent) par la même occasion toute une culture asiatique du cinéma d’action – mais par contre, difficile de défendre certaines séquences un peu trop bâclées (la poursuite en voiture, sa basse définition, ses fonds verts digne d’un vieux Bollywood) et tics de réalisation (la caméra tremblante) un peu redondants. Mais The Murderer reste l’un des pics cinématographiques de 2011, un grand film noir et nihiliste qui ne vous laissera pas indemne.

Critique par Alex B

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