Quoi de plus flippant que d’avoir un voisin un peu trop curieux qui regarde toujours chez vous ? De vous sentir surveillé jour et nuit, d’avoir l’impression de devenir fou parce que votre entourage juge que ce n’est pas grave ou que personne ne vous croit ? C’est le pitch assez simple de “Watcher” découvert à l’occasion du Festival de Gérardmer 2023. Le film est réalisé par Chloé Okuno, réalisatrice américaine ayant déjà participé à la compil VHS 94. Un thème bien connu du cinéma de genre et du thriller, avec notamment les films cultes “Le Voyeur” de Michael Powell (1960) ou encore “Fenêtre sur cour” d’Alfred Hitchcock (1955). Et même récemment, cette angoisse universelle a été explorée sur Netflix à travers la série, originalement nommée “The Watcher”.
Ici, on fait connaissance avec Julia et son mari d’origine roumaine qui emménagent à Bucarest, où ce dernier a trouvé un job. Ayant tiré un trait sur sa carrière de comédienne, Julia se retrouve seule dans son grand appartement et tente de s’occuper comme elle peut. Une nuit, en scrutant par la fenêtre l’immeuble d’en face, elle aperçoit une silhouette qui semble la regarder en retour… Un vrai bonheur de retrouver Maika Monroe dans le rôle de l’héroïne, après avoir littéralement crevé l’écran avec It Follows, on la retrouve de nouveau poursuivie par des gens chelous.
Une histoire ultra classique donc, qu’on a l’impression d’avoir souvent déjà vue mille fois. Dans les chefs d’oeuvre cités plus haut ou même dans les téléfilms pourris de l’après-midi du genre “Un voisin inquiétant”. Mais là n’est pas l’essentiel, car le film se regarde avec un plaisir non dissimulé : une fois le postulat posé, la réalisatrice nous perd volontairement dans la paranoïa de notre héroïne, si bien qu’on finit par se demander, qui observe qui ? Qui harcèle qui ? Un jeu habile du chat et de la souris dans les rues de Budapest.
C’est dans la dernière demi-heure que les enjeux du métrage se révèlent les plus intéressants : livrée à elle-même dans ce combat contre la paranoïa, Julia ne peut plus compter que sur son instinct. Dans un final saisissant, on comprend ainsi le propos furieusement actuel de “Watcher”. Il illustre parfaitement l’isolement d’une femme qui se sent en danger, que son mari (et la police) ne croient pas (le vrai bad guy du film) et qui va même par se moquer de ses angoisses, trop occupé par sa carrière et sa volonté de briller socialement. SPOILER – Le dernier regard de Julia pour son mari, dernier plan du film en dit long ” et maintenant, tu me crois batard” ? FIN DE SPOILER.
Derrière un scénario d’apparence convenu, “Watcher” est un survival subtil, au suspense tenace. La photographie glaciale rend le quotidien de Julia encore plus étouffant, comme pour faire ressentir au spectateur ce sentiment d’aliénation. On aurait juste souhaité un peu plus d’audace dans la première heure.