Quel est le point de départ de Propriété interdite ?
Comment définir ce couple ? Et pourquoi ces comédiens ?
Berling « assure » comme on dit, il est beau, carré, urbain. Bonneton paraît plus fragile. Même dans la comédie, où elle excelle, c’est son côté lunaire et décalé qui nous touche. En tant qu’acteur, Charles aime « fabriquer », composer, alors que Valérie est plus émotive… ça m’a plu, c’est vraiment le couple ! On pense d’abord qu’il la protège, on peut ensuite avoir l’impression qu’il la manipule… qu’il ment pour la rendre folle… en fait Benoît n’a pas de grand projet machiavélique, son attitude n’est pas réfléchie. Il pense juste qu’en masquant le trou avec des branches, des planches, ça suffit à stopper le mal. Mais le trou est toujours là !… Je crois qu’il aime sa femme. C’est un couple sans enfant, sans tiers, et comme souvent dans ces couples, l’un devient l’enfant de l’autre. Ce qui fait une névrose de couple au carré : chacun maintient l’autre dans le rôle qui l’arrange.
Aviez-vous un principe de mise en scène ?
Une façon de filmer la maison qui suggère qu’elle est observée et pareil pour le couple : quand l’un est filmé, on sent toujours qu’il est vu par l’autre. Même quand l’autre n’est pas là, comme dans la scène de boulimie de Claire. C’est un truc classique de la peur et qui convient bien à l’idée du couple, où on ne cesse de s’épier, sans réellement réussir à savoir qui est l’autre. Je crois que c’est flagrant dans la séquence où Benoît revient pour la seconde fois. Claire a caché l’étranger dans la cave, Benoît éteint la musique, le couple s’observe mutuellement dans la cuisine, chacun soupçonnant les mensonges de l’autre.
Comment s’est fabriqué le décor ?
Il fallait faire s’incarner Michel dans la maison, la salir, laisser les traces d’une folie… Michel s’est reclus longtemps. Katia Wyszkop a traité la maison par étages, comme la psyché : en haut la moquette, avec ses motifs géométriques, hypnotiques à la Vasarely, comme un état mental obsessionnel, qui veut tout maîtriser. en dessous, l’organique – salon, cuisine – et puis la cave… Le trou a été fait en studio : les acteurs n’auraient pas accepté de ramper dans un vrai trou menaçant de s’écrouler à chaque instant. J’aurais aimé pouvoir le filmer en coupe franche, comme dans Fantastic Mister Fox, mais il aurait fallu plus de recul et le budget ne nous le permettait pas !
Est-ce qu’il possède une dimension comique ?
Absolument. J’aime bien passer de la peur au rire, j’aime bien le grotesque : un portable qui sonne au fond d’un trou, un personnage qui, dans cette situation cauchemardesque, regrette de ne pouvoir accéder à ses mails, ça m’amuse ! on suppose que Benoît est trader ou quelque chose d’approchant. C’est le seul du couple à travailler, à être soidisant en lien avec la société, mais il fait un métier virtuel, grotesque, qui n’a pas de sens.